Canalblog
Editer la page Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
...Chez Francky

201-4

dia

TÉLÉCHARGER LE COURS POWERPOINT EN PDF : GE00201V_iles

Allez, vous avez pris votre crème solaire ? On part dans les îles ! Cela dit, d’un point de vue géopolitique le rêve peut tourner au cauchemar et le paradis à l’enfer… Mais on va démarrer par une énigme sympa histoire de vous mettre en jambes…enfin, en palmes plutôt…

Diapositive3

Pourquoi faut-il 23 heures pour relier les îles de la Grande et de la petite Diomède à peine éloignées de 4 km ?

Diapositive4

Alors ? Pas à cause des courants ou des difficultés de déplacements, non juste parce que ces 2 îles sont séparées par la ligne de partage de la date. Changement de jour, changement de continent, changement de pays. La Grande Diomède est russe, la Petite américaine ! Elles se situent pile au milieu du détroit de Béring, entre Alaska et Tchoukotka. À peine 170 inuits « américains » vivent sur la Petite Diomède, une poignée de soldats russes, à 3 km vivent sur la Grande Diomède et en raison du fuseau horaire définis localement, la grande Diomède a 21 heures d’avance sur la petite Diomède. Quand les habitants de petite Diomède regarde à l’ouest, la grande Diomède, ils voient… le lendemain ! Et donc, deux simples petites îles, perdues au bout du monde, peuvent nous apprendre beaucoup sur le poids géopolitique potentiel de l’insularité !

Diapositive5

C’est quoi ? D’après l’ONU, il y aurait 460 000 îles dans le monde et depuis 1982 et la convention de Montego Bay qui fixe les règles de l’utilisation des espaces maritimes, être une île n’est pas forcément de tout repos au niveau stratégique ! Mais, d’abord c’est quoi une île ? Justement, la convention de Montego Bay en donne une définition : « une terre entourée d'eau, d'origine naturelle, qui doit être émergée à marée haute». Mais ça se complique : « la vie doit y être soutenable, c'est-à-dire que l'île doit présenter une capacité objective à se prêter à une activité économique ou à accueillir des habitations humaines. » Et donc, théoriquement ne sont pas considérés comme île des « rochers » ou des bouts de terre inhabités au bout du monde… Et pourtant, nombreux sont les États qui considèrent des cailloux comme leur appartenant. la France notamment qui a multiplié les expéditions sur Clipperton dans le Pacifique, un bout de corail inhabité et inhabitable et nous verrons pourquoi en fin de ce cours…

Diapositive6

Vols annoncés : Le principe de ce cours est de vous faire percevoir l’ensemble des problématiques géopolitiques liées à l’insularité à travers quelques exemples d’îles plus ou moins connues, petit voyage dans la multitude des zones conflictuelles entourées d’eau ! À chaque exemple : vous montrer où elles sont (mais vous le savez forcément puisque vous êtes géographes !), ce qu’elles sont et vous exposer où vous faire déduire le problème géopolitique en exergue et prendre un peu de recul sur d’autres cas dans le vaste monde. Et ce, sur 7 exemples plus ou moins exotiques : St-Pierre et Miquelon - Chypre - Les Spratleys - La Nouvelle-Calédonie - Lampedusa - Tuvalu et Clipperton, qui nous servira de conclusion : À quoi sert une île ?

Diapositive7

Carte d’embarquement : Pour localiser ces îles dont on va parler, quoi de mieux qu’une carte « inversée » qui donne à la terre les conventions de représentation de la mer ! Presque instinctivement, votre regard, référentiel est perdu non ? Voilà les lieux dont on va parler, essayez de vous en souvenir…

Diapositive8

ZEE : Avant de parler d’îles en particulier, une petite introduction sur une délimitation à l’origine de nombreux conflits : la zone économique exclusive (ZEE). Tout débute à partir de la convention de l’ONU sur le droit de la mer signée en 1982 (convention dite de Montego Bay). Avant cette date, les « mers territoriales » sur lesquelles les États côtiers étendaient leur pouvoir était de 3 milles marins ou 6 km? Savez-vous pourquoi ces 3 milles ?

Parce que la distance correspondait à la portée moyenne d’un tir de canon depuis la côte. En d’autres termes, si je peux encore te couler, alors je suis chez moi !!! Pas bête !

Ensuite on a considéré que les espaces du plateau continental appartenaient de fait au pays côtier. Pour rappel, le plateau continental est la prolongation du continent sous l’océan avant la plaine abyssale. Géologiquement c’est toujours le continent. À partir des années 80 puis 90, l’article 56 de la Convention définit que la « …La zone économique exclusive ne s'étend pas au-delà de 200 milles nautiques (soit environ 370 km) des lignes de bases de la côte…». Dans cette ZEE : Les pays concernés ont des droits souverains aux fins d'exploration et d'exploitation, de conservation et de gestion des ressources naturelles, biologiques ou non biologiques, des fonds marins et de leur sous-sol, ainsi qu'en ce qui concerne d'autres activités tendant à l'exploration et à l'exploitation de la zone à des fins économiques, telles que la production d'énergie à partir de l'eau, des courants et des vents…  Donc on va avoir : les droits sur la ZEE qui peuvent s’étendre au-delà de la ZEE si on est toujours sur le plateau continental avant la zone de droit international. Rajouter des îles, même à l’autre bout du monde, même si elle n’a aucun plateau continental (comme la Polynésie par exemple), c’est rajouter des ZEE !!!

Diapositive9

La France, un petit pays qui a la première ZEE au monde !!! (ou deuxième) La France métropolitaine (550 000 km²) n’est que 48è mondiale par sa superficie terrestre, mais elle est la première au monde (devant les États-Unis ! Ou deuxième selon le classement) avec sa ZEE : 11 691 000 km² soit plus de 20 fois sa superficie métropolitaine !!! Et si c’est nous sommes les premiers, c’est parce que nous avons été pêcher, au cours de l’Histoire, des îles parfois au bout du monde et qu’il n’est pas question de les lâcher !!! Vous rappelez-vous mon premier cours ? Les expéditions portugaises, espagnoles, françaises, anglaises à partir des XVIe et XVIIe siècles ? Et ben on y est encore aujourd’hui ! Allez, on démarre avec ces îles du bout du monde, et on commence par le froid…

Diapositive10

Des îles litigieuses : Saint-Pierre et Miquelon : Voici un premier exemple pour un tout petit bout de France dans le froid nordique dont pas grand-monde ne parle à part France 4  ! Ce premier exemple est justement le problème de l’interprétation de la ZEE et du conflit en cours entre canadiens et français…

Diapositive11

Carte d’identité : Saint-Pierre et Miquelon est en réalité un archipel de 4 îles :  Saint-Pierre, l’île principale avec la « ville » (de 5 000 habitants !) et l’aéroport et 3 îles reliées par des tombolos : Langlade au sud, Grande Miquelon et Le Cap au nord. En tout la surface avoisine les 242 km² (soit 2 fois la taille de la commune Toulouse par exemple – 118 km² -  pour vous donner un ordre d’idée). C’est une collectivité d’outre-mer (pas un département) qui compte 6 300 habitants à peine à 15 km des côtes canadiennes de Terre-Neuve. C’est une « relique » de la présence française en Amérique du Nord depuis les explorations de Jacques Cartier, puis des pêcheries à la morue qui se sont développées entre la Bretagne et Terre-Neuve au XIXe siècle. Une vie plutôt rugueuse (climat océanique froid et humide) où l’économie locale se tourne désormais vers la pêche au crabe des neiges et au homard… sauf si les recherches actuelles sur les gisements d’hydrocarbures créent une petit révolution dans les années à venir…

Diapositive12

Le problème géopolitique  à St Pierre et Miquelon : Depuis 1972, la France et le Canada se disputent l’exclusivité des zones de pêche autour des îles de Saint-Pierre et Miquelon. Mais la pêche est en déclin… La France veut une vaste zone autour des îles s’appuyant sur la « loi » de la ZEE : 200 milles marin (370 km) autour de ses côtes, territoires d’outre-mer. Le problème c’est que cette zone recouvre également les eaux territoriales canadiennes. En 1992, le tribunal arbitral de New York définit une « bande » ayant la largeur des îles et partant strictement vers le sud sur les 200 milles marin mais uniquement 10 milles de large ! En 2014, la France demande le prolongement de cette bande dans le cadre de la demande d’extension de la ZEE sur le plateau continental : ce n’est plus la distance à l’île qui prime, mais la présence du plateau continental riche en ressources ! Les canadiens font des recherches et trouvent dans cette zone des gisements d’hydrocarbures… dont certains sont très proches de St Pierre et… dans la ZEE française.

Pas de solution dans l’immédiat, pas de conflit ouvert, plutôt des discussions et tractations dans les couloirs entre gouvernements, à l’ONU, à n’en plus finir ! Il n’est pas question pour la province de Québec de se fâcher avec son ancêtre français, mais il n’est pas question pour les français de laisser tomber leur dernier territoire officiel en Amérique du Nord. Mais le Québec n’est pas le Canada et la France aurait bien besoin de ressources d’hydrocarbures…

Diapositive13

Et ailleurs ? Voici par exemple la liste des États ayant une frontière maritime avec la « France » (dont les îles françaises) ! Donc, potentiellement, qui dit îles proches d’autres États dit conflit de territoire potentiel ! Et c’est juste pour la France !!! Voir l’article : Les petits espaces insulaires au cœur des revendications frontalières maritimes dans le monde - François Taglioni

Diapositive14

Une île historiquement déchirée : Chypre. Voici un deuxième exemple de problème géopolitique, le conflit indirect entre Grèce et Turquie à travers la belle Chypre. Le problème se pose ici au sein même de l’île.

Diapositive15

Carte d’identité : Déjà au carrefour d’importants réseaux commerciaux dans l’Antiquité, le nom de Chypre vient de Κύπρος, le cuivre en grec, en raison des gisements qui firent la richesse de l’île dès l’Antiquité. Elle a constamment changé de mains au cours des siècles jusqu’en 1960 où elle obtient son indépendance de l’empire britannique. Cette superbe île, semi-aride, montagneuse, un peu plus grande que la Corse, est connue pour son tourisme (essentiellement anglais et allemand) et surtout comme un petit paradis fiscal européen, membre de l’Union depuis 2004. Et c’est une des raisons pour lesquelles l’île est sujette à conflit avec le voisin turc, au point d’en arriver à l’éventualité d’une guerre totale !

Diapositive16

Le problème géopolitique : Au cours de l’Histoire, l’île a été successivement, grecque, romaine, byzantine, arabe, italienne, française, turque, pour finir  sous protectorat britannique en 1914. L’île est au carrefour des échanges économiques, religieux, culturels et stratégiques entre l’Ouest de la Méditerranée et l’Asie Mineure. D’ailleurs c’est la seule île européenne géographiquement classée en Asie ! Et, deux pays se font face depuis des millénaires dans cet espace : l’occidentale Grèce et l’orientale Turquie. En 1960, l’île devient indépendante mais très vite des problèmes surviennent dans la gestion entre grecs et turcs suivis d’épisodes violents entre communautés (1963-64). En 1974 le régime des « colonels » en Grèce (régime militaire dictatorial) organise un coup d’État pour ramener l’île dans la Grèce, les turcs interviennent militairement, dans le nord de l’île et décrètent en 1983 la République Turque de Chypre du Nord, État quasi fantôme, non reconnu par l’ONU alors que le sud, grec, devient membre de l’Union européenne en 2004. Une ligne verte ponctuée de bases de casques bleus sépare les deux communautés, y compris au cœur même de la capitale historique : Nicosie, littéralement coupée en deux.

D’un côté des turcs qui crient à la légitimité historique et géographique de leur présence sur l’île et se servent désormais de l’exemple chypriote pour exalter les valeurs nationalistes ; de l’autre les grecs, avec les anglais (qui ont gardé des bases militaires sur l’île) et l’ensemble de l’UE qui s’adosser sur une réalité de fait : la présence européenne aux portes du Moyen-Orient. Depuis 2004, un projet de réunification de l’île a été lancé par l’ONU, mais à ce stade, ni les grecs vivant au sud, dans l’Union, ni les turcs vivant au nord ne semblent vouloir d’une réunification…

Diapositive17

Et ailleurs ? Voici les « pieds de nez » des grecs à la Turquie : Si tout le monde où presque connait (et rêve !) les « Cyclades », peu connaissent le « Dodécanèse », ces îles à quelques encablures des côtes turques, vestiges de la colonie grecque sur les « ottomans » et lieux de tension actuels. Mais ces îles sont aussi la porte d’entrée de l’Europe pour les migrants et vous avez tous vus ces images des camps de réfugiés de Lesbos !!! Nous verrons un exemple précis à ce propos avec le cas de Lampedusa… Sur la partition d’un seul et même pays ou d’une seule île il y a bien sûr les 2 Irlande(s), les 2 Corée(s), et jusqu’à il n’y a pas si longtemps (1989) les 2 Allemagne(s). Mais aussi St Martin aux Antilles,  Bornéo (3 pays pour une même île : Brunei, Malaisie, Indonésie), Haïti, Timor… voir l'article de wikipedia

Diapositive18

Des îles revendiquées pour leur position : les Spratleys. Connaissez-vous l’Archipel des Spratleys ? Non bien sûr ! Dommage, car c’est typiquement un ensemble de cailloux au milieu de l’eau qui pourrait bien être à l’origine d’une guerre dans toute l’Asie !!!

Diapositive19

Cartes d’identité : Les îles Spratleys ou Spratly sont un ensemble de 14 îles coralliennes dépassant d’à peine 4 m au dessus du niveau de la mer, et totalisant 2 km² au total. La plus grande des îles, fait 46 hectares (60 terrains de foot !). Occupé par les japonais pendant la Seconde Guerre Mondiale, l’archipel est revendiqué par le Viêt Nam en 1976, puis par la Chine. On y trouve 3 aéroports chinois et un vietnamien. 5 îles sont occupées par les Philippines, 1 par Taïwan, 5 par le Viêt Nam, 1 par la Malaisie, et les autres par la  Chine, y compris des îles totalement artificielles et là est le coup de génie de la Chine !

Diapositive20

Le problème géopolitique : Donc, pas moins de 5 pays différents revendiquent ces îlots : Les Philippines, la Malaisie, le Viêt Nam, Brunei et la Chine, l’archipel étant situé au cœur de la Mer de Chine, au milieu de la route commerciale maritime où transite un tiers du commerce mondial ! Les chinois s’appuient sur une carte de partage dite « ligne à 9 traits » issue de la Seconde Guerre Mondiale, les autres pays s’appuient sur les accords ZEE, que la Chine n’a pas signés ! Mais, pour éviter un conflit ouvert, la Chine, ne pouvant revendiquer les îles occupées par d’autres pays, a trouvé une parade pour s’installer dans la zone : elle crée purement et simplement des îles artificielles, ou agrandie des îlots inoccupés. Ainsi Fiery Cross, simple station météo sur une dalle de béton en 1988 est devenue depuis 2014 une base militaire chinoise avec piste d’atterrissage, port en eau profonde et casernes militaires afin d’affirmer l’expansionnisme chinois dans cette zone. Les pays limitrophes s’insurgent auprès des Instances Internationales, les États-Unis, de temps en temps viennent faire patrouiller leur flotte de guerre dans la zone et la Chine s’insurge à son tour… mais rien n’empêche vraiment la Chine de continuer à verrouiller les grands axes stratégiques et économiques dans cette partie du monde. L’un de ces fameux flux des nouvelles routes de la soie : La Chine, aux visées expansionnistes économiques se double d’appuis militaires et stratégiques : elle « protège » les porte-conteneurs chinois qui descendent vers l’Europe et l’Afrique !

Diapositive21

Et ailleurs ? Le même problème se pose pour les îles Paracel un peu au nord, toujours en Mer de Chine, mais aussi Abou-Moussa dans le golfe Persique entre Émirats arabes et Iran, également dans le détroit de Malacca entre Singapour la Malaisie et l’Indonésie et, d’une manière générale sur toutes les routes maritimes stratégiques qu’elles soient commerciales ou militaires qui sont proches de plusieurs pays limitrophes, et si les ZEE se superposent sur des îles, c’est forcément une source de conflit !

Diapositive22

Autre problématique géopolitique souvent inhérente aux îles : les visées indépendantistes. Un exemple de possession française entre outre-mer : la Nouvelle-Calédonie

Diapositive23

Carte d’identité : La Nouvelle Calédonie est une collectivité française (pas un département !) dans le Pacifique Sud, au large du nord-est de l’Australie. Elle compte une multitude d’îles dont une grande, principale, la Grande Terre, qui s’étire sur près de 400 km de long, avec une chaine de montagnes centrale atteignant les 1 600 m d’altitude. Peuplée originellement par les mélanésiens, elle devient colonie française à partir de 1853. En dehors de la ZEE française, et de l’apport du tourisme, l’île est surtout « intéressante » parce que son sous-sol, sur Grande-Terre contient presque un tiers des réserves mondiales de nickel, représentant 30 à 40% du PIB de la Nouvelle Calédonie, métal très utilisé dans les aciers inoxydables avec une demande croissante de pays comme la Chine. Mais, ce petit miracle économique ne profite pas à toute la population et c’est bien un des critères des visées indépendantistes d’une partie de la population…

Diapositive24

Le problème géopolitique : D’un côté une population originelle, mélanésienne, pauvre, vivant essentiellement dans les régions nord, dans des réserves, les kanaks, et de l’autre des migrants blancs qui exploitent les ressources. En 1988, un groupe d’indépendantistes du FLNKS (Front de libération nationale kanak et socialiste) attaque une gendarmerie, prend en otage une quinzaine de gendarmes et se retranche dans une grotte sur l’île d’Ouvéa. En catastrophe, le gouvernement français (dont Jacques Chirac était le premier ministre de l’époque, mais Mitterrand le président, qui se représente, juste au moment des « évènements »…) envoie des troupes dont le GIGN et les parachutistes. L’assaut est donné qui se soldera par 19 morts de part et d’autre. Les conséquences seront multiples :

  • Un profond traumatisme dans les populations calédoniennes
  • Une prise en compte beaucoup plus sérieuse de la représentation et des revendications des populations insulaires oubliées (Kanak)
  • Un engagement du gouvernement vers « l’autodétermination » de l’île. En 2018 et en 2020  les calédoniens répondent non à 56% à un référendum pour l’indépendance, l’île reste avec un statut de collectivité mais avec un gouvernement local et un troisième référendum est prévu en 2022…

Diapositive25

Et ailleurs ? Très très nombreuses sont les îles qui ont potentiellement et de manière plus ou moins virulente des visées indépendantistes. Nombreux sont ceux qui pensent que le fait d’être une terre entourée d’eau crée forcément un État susceptible d’être autonome. Mais aussi estimant être les habitants originels des îles (ce qui, dans le cas des Antilles par exemple est une hérésie : les noirs antillais sont, historiquement, tout autant des « émigrés » que les blancs. Les populations originelles d’indiens caraïbes a totalement disparu depuis des siècles !). La France, l’Italie, l’Espagne font face à des mouvements autonomistes voire indépendantistes plus ou moins bien implantés, violents, mais aussi insérés peu à peu dans le fonctionnement des structures démocratiques… ou pas !  Souvent, les revendications balancent entre une demande de plus forte autonomie et un renforcement de l’aide de la métropole. La vraie question est généralement celle de la viabilité économique : l’île ou l’archipel pourrait-il se « suffire à lui-même » ? Mais également la viabilité militaire par rapport à d’éventuels voisins belliqueux… . La Corse, la Guadeloupe pourraient-elles se passer de l’aide du grand frère français ? Les îles sont-elles les reliques laissées pour compte de l’empire colonial ou de vraies petits morceaux de pays ???

Et que dire des revendications qui se superposent aux autres revendications, ainsi pour les îles Shetlands qui envisagent de se séparer de l’Écosse, qui elle-même envisage de se séparer de la Grande-Bretagne pour revenir dans l’Union Européenne !!!

Diapositive26

Un bateau pour des naufragés : Lampedusa. Vous ne pouvez pas ne pas avoir entendu parler de Lampedusa !

Diapositive27

Carte d’identité : À peine une vingtaine de kilomètre de long, appartenant à la région sicilienne, la petite île de Lampedusa vivait tranquillement au large des côtes tunisiennes, de la pêche et surtout d’un tourisme florissant, pointe la plus au sud de l’Italie. Mais sur les plages, ce ne sont plus les touristes qui s’échouent, mais les migrants naufragés !

Diapositive28

Le problème géopolitique : En 2011, des dizaines de milliers de réfugiés débarquent sur les côtes de Lampedusa pour tenter de gagner l’Europe. Ils sont tunisiens et fuient la révolution de jasmin. Mais dès 1992, fuyant la Libye, les pays du Sahel, ou les zones économiques les plus pauvres d’Afrique sub-saharienne, les migrants cherchent à passer coûte que coûte en Europe. En 2013 on compte plus de 300 morts dans un naufrage et l’Europe regarde enfin la détresse des migrants mais également des populations italiennes locales, submergées par la responsabilité du recueil des migrants. En 2020 une nouvelle vague de migration submerge à nouveau les autorités locales, l’Italie refuse de prendre à sa seule charge l’accueil en Europe de ces populations, et même si l’île est juste une zone de transit, les populations locales vont jusqu’à tenter de  repousser les radeaux des migrants en mer pour les empêcher d’accoster. D’autres, toujours italiens natifs de l’île, se mobilisent au contraire pour venir en aide aux migrants, mais, aux frontières de la légalité !  C’est un drame humain interne et externe (et une honte pour nous, européens) qui se déroule dans ces jolies petites îles ensoleillées, anciens paradis du tourisme !!! Désormais, et devant des routes de plus en plus bloquées vers la Méditerranée, c’est vers l’Ouest et les îles Canaries via le Maroc que se développent de nouvelles routes de migrants, encore plus dangereuses…

Diapositive29

Et ailleurs ? Une île qui peut-être une étape plus « facile » pour accéder à un espace de refuge ou d’asile pour des migrants est systématiquement une base potentielle dans les flux migratoires. Si l’île malgré sa proximité avec le pays de départ est une extension potentielle de la zone économique et politique d’arrivée, alors les chances se multiplient. Partir du Maroc pour arriver aux Canaries, c’est accéder à l’Union Européenne. Partir des côtes turques pour rejoindre, à quelques kilomètres les îles de Lesbos ou du Dodécanèse, c’est entrer dans l’Union Européenne ! Sauf que c’est à double tranchant : une île peut être une bouée de sauvetage, mais aussi une prison ! Il peut être très difficile d’en sortir une fois entré ! L’Europe, cyniquement, considère que ces îles sont d’excellents « tampons » pour tempérer l’afflux de réfugiés sur le continent. Il arrive aussi que ces îles soient le seul refuge pour des populations fuyant la guerre ou la répression. Ainsi, en 1979, l’île de Pulau Bidong au large de la Malaisie est devenue tristement célèbre pour avoir accueilli par milliers les vietnamiens qui fuyaient le régime communiste sur un caillou d’à peine un km². Un nom est resté pour ces populations littéralement « échouées » : les boat-people et une partie de la communauté vietnamienne vivant aujourd’hui en France est issue de cette migration…

Diapositive30

Si vous avez envie de visiter l’archipel des Tuvalu dans le Pacifique, il ne faut pas tarder car dans quelques années, il n’existera plus, et c’est un fait majeur dans l’Histoire moderne de l’Humanité : des États entiers qui existent aujourd’hui ne vont pas changer de nom ou de frontière, non, ils vont purement et simplement disparaître !!!

Diapositive31

Carte d’identité : Cet archipel polynésien, constitué de 8 (d’où son nom « Tuvalu ») puis de 9 atolls dont le plus long fait 12 km de long, compte 11 000 habitants d’origine austronésienne ayant conquis ces régions du Pacifique plus de 1 000 ans avant J.-C.  Ancienne colonie anglaise, elle devient indépendante en 1978 mais toujours plus ou moins lié à la couronne britannique. Peu de pêche, très peu de tourisme, les Tuvalu n’ont d’autres ressources que de voir leur monde s’enfoncer dans la mer ! Juste une parenthèse amusante (enfin presque !) : une fortune inattendue est venue enrichir le petit archipel savez-vous laquelle ? De fait, l’État Tuvalu s’est vu attribuer l’extension .tv en 1995 pour les sites Internet. Chaque société qui veut créer un site avec une extension qui fait penser à une « télévision », .tv, doit payer un droit de quelques dizaines de dollars par an, et aujourd’hui au moins … 500 000 sites Internet utilisent cette extension !!!

Diapositive32

Le problème géopolitique : Vous l’avez compris, le problème géopolitique de Tuvalu est purement et simplement son existence et sa mort programmée ! Le réchauffement climatique mondial provoque la montée du niveau des eaux à l’échelle planétaire. Si, sur nos côtes ça se traduit par une érosion plus forte, des plages qui disparaissent, ou même pour des villes comme New York ou Bangkok des inondations plus fréquentes qui finiront tôt ou tard par obliger la population de ces villes soit à migrer vers l’intérieur du pays, soit à s’adapter par exemple en construisant sur l’eau, dans certaines zones du monde, c’est la subduction pure et simple du pays. Suivant les différentes sources et modèles, on a une montée des eaux mondiales (liée à la fonte des glaces et à la dilatation par réchauffement) de 50 cm à plus de 2 m d’ici la fin du siècle (certaines sources – discutables -  avancent même le chiffre effrayant de plus de 6 m !!!). Certaines îles dépassent à peine de 2 m, voir moins, du niveau des mers. Le calcul est rapide à faire et ces îles, donc ces pays, vont disparaitre.

C’est de la Science Fiction ? Entre 2007 et 2014 les îles de Kepidau, Nahlapenlohd, Laiap, Nahtik et Ros dans l’archipel des Salomon, îles habitées ont d’ores-et-déjà disparues, englouties ! Des îles États qui disparaissent, ce n’est plus un simple problème « écologique », c’est une économie, une population, une civilisation qui disparaissent et c’est hautement géopolitique ! On en est sûr désormais : dans les prochaines années, les plus grands flux de migrants et de réfugiés, les plus grands déplacements de population ne viendront pas de problèmes économiques ou de guerres, mais bien de problèmes climatiques !

Diapositive33

Et ailleurs ? On dénombre de très nombreuses îles et archipels qui vont disparaitre où être réduits à presque rien d’ici la fin du siècle à cause du réchauffement climatique et de la montée des eaux : toutes celles qui dépassent « à peine » au dessus des flots, essentiellement dans le Pacifique (soit les atolls coralliens) :

•Les îles Salomon
•Les Maldives
•Les Palaos
•La Micronésie
•Les Fiji
•Les Seychelles
•Kiribati
•Les îles Cook
•Une partie de la Polynésie française
•Les Marshall

Mais également dans les deltas très plats comme en Inde, au Bengladesh ou des îles côtières, souvent très fertiles, disparaissent presque à chaque nouvelle mousson…

Diapositive34

Dernier exemple et qui me servira de conclusion : le petit atoll du bout du monde : Clipperton !

Diapositive35

Carte d’identité : Seule possession française dans le Pacifique nord, l’histoire de Clipperton est révélatrice de la drôle d’attitude des États en général et de l’État français en particulier vis-à-vis des lambeaux de terres perdus dans les vastes océans… Il s’agit d’un atoll inhabité, complètement perdu au milieu du Pacifique (à plus de 1 000 km des côtes mexicaines !) que la France, les États-Unis et le Mexique revendiquent depuis plus de 100 ans. Il possède le seul lagon d’eau douce au monde, mais ça n’est pas pour cette raison que la France y maintient sa présence.

En aparté, voici la bien triste histoire des « naufragés de Clipperton » : Une garnison mexicaine s’installe sur l’île en 1907, pour la revendiquer, avec soldats, femmes et enfants, au total, une quinzaine de personnes. Mais il n’y a rien dans l’île à part des crabes et des oiseaux, des bateaux doivent donc ravitailler tous les 2 mois. Mais la révolution mexicaine arriva et tout le monde « oublie » la garnison de Clipperton. En 1915, il ne reste plus que 3 hommes. En 1917 le dernier homme, devenu fou, se proclame roi de l’île et fait vivre l’enfer à coups de viols et de brimades aux femmes et aux enfants survivants. Le 17 juillet les femmes, à bout,  l’assassinent à coups de marteau et… le 18 juillet un navire américain apparait à l’horizon pour venir les sauver !

En 1981, le commandant Cousteau y fait une première expédition révélant le caractère exceptionnel de la biodiversité de l’île. Et puis, en 2005, sous l’égide de Jean-Loup Étienne, explorateur scientifique, une nouvelle grosse expédition est menée, avec l’aide de l’armée française et depuis les expéditions scientifiques françaises se succèdent sur l’île…

Diapositive36

Le problème géopolitique : Techniquement, si on en revient à la définition d’une île d’après la convention de Montego Bay, la vie doit y être soutenable, c'est-à-dire que l'île doit présenter une capacité objective à se prêter à une activité économique ou à accueillir des habitations humaines, Clipperton n’est qu’un vulgaire caillou perdu au milieu du Pacifique, donc pas question pour la France de revendiquer une ZEE dans ce coin là… sauf si elle y multiplie sa présence d’une manière ou d’une autre, notamment en y faisant des études scientifiques poussées, périodiques et avec l’aide technique de la marine française. La France veut conserver un pied dans cette zone (probablement riche en nodules polymétalliques) et, même si aucune pêche française n’est faite, même s’il n’y a aucun risque de conflit armé, même si le lieu est situé loin des routes maritimes et du trafic commercial, garder un œil aux quatre coins de la planète, même « scientifique » est toujours intéressant pour un État qui veut rester dans la course à la stratégie géopolitique mondiale…

Diapositive37

Conclusion : Et partout ! Alors la question à se poser, au regard de tous ces exemples que nous venons de voir, est simple : en quoi une île, fusse-t-elle un bout de caillou inhabité à l’autre bout du monde est toujours intéressante à « avoir sous la main » si ce n’est pas pour maintenant, ça le sera peut-être pour plus tard.

Pourquoi le Danemark garde le Groenland ? Pourquoi Argentins et Anglais se sont-ils battus aux Malouines ? Pourquoi même sur des lacs comme le Victoria en Afrique de l’Est des peuples sont prêts à s’entretuer pour un bout de caillou comme à Migingo ?

Pour des ressources halieutiques ou géologiques, pour marquer sa présence, pour clamer son identité, pour surveiller les autres… pour garder des cartes dans son jeu de la géopolitique mondiale.

Diapositive38

Bibliographie : Si le sujet des îles vous intéresse, je ne saurais trop vous conseiller quelques bouquins :

-Géopolitique des îles – Marie REDON – Ed. Cavalier Bleu - 2019
-Le hors-série du Monde : Géopolitique des îles en 40 cartes - 2019
-Atlas des îles abandonnées – Judith Schalansky – Arthaud – 2010
-

Et puis aussi… de revoir Peter Pan et son île du Pays imaginaire…

Publicité
Publicité
...Chez Francky
Publicité
...Chez Francky
Publicité