201-5
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Continuons sur ce cours un peu « décalé » par rapport aux enseignements classiques autour de la géopolitique pour nous intéresser à des régions dont on parle peu, mais dont on va très certainement parler de plus en plus dans les années et décennies à venir, en grande partie en raison du réchauffement climatique : les régions polaires...
La question : Comme d’habitude, commençons par une question de géographe : Pourquoi fait-il plus froid au pôle sud qu’au pôle nord ? Alors ? Eh ben tout simplement en grande partie à cause de l’altitude ! 2 835 m au pôle sud et… 0 m au pôle nord ! Aux froids latitudinaux se combinent les pertes de températures altitudinales ! -34° au pôle nord en moyenne au cœur de l’hiver et -98° relevé au pôle sud, record absolu de froid.
De quoi parle-t-on ? Peut-être n’est-il pas inutile de préciser ce qu’on entend par régions polaires avant d’aborder le vif du sujet. Il y a deux régions polaires qui vont des pôles aux cercles polaires (les parallèles des régions polaires au-delà desquels il existe au moins une journée où le soleil ne se lève pas en hiver, et ne se couche pas en été) soit des latitudes de 66° 33' 48,430".
La région polaire nord : l’arctique et la région polaire sud : l’antarctique. Pour la petite histoire arctique signifie « ours » en grec (ἄρκτος) non pas à cause des ours polaires, mais bien en référence à la constellation de la Grande Ourse et de fait : antarctique : opposé à l’ours ! La région Arctique est un océan bordé par le Groenland (appartenant au Danemark), l’Islande, la Norvège, la Finlande, la Suède, la Russie, les USA et le Canada. Il n’y a donc pas de terre au pôle nord si certains en doutaient ! La région Antarctique elle, est presque entièrement couverte par le continent Antarctique. Si des problèmes géopolitiques se posent en Antarctique, c’est bien en Arctique que se joue l’essentiel des questions vives. On y trouve quand même, entre autre, les USA et la Russie qui s’y font face !!!
Cap au nord : Deux régions donc, commençons par le nord, aux problématiques géopolitiques beaucoup plus complexes que le sud !
Légende nordique : Un peu de rêve d'abord ! Si on sait aujourd’hui que les grandes migrations humaines sont passées par les régions polaires et ont conquis ces zones très difficiles, en Occident, pendant des siècles on a développé mystères et croyances. Ainsi en 1595 sur ses cartes, Gérard Mercator fait-il apparaitre une énorme montagne de métal au pôle nord (appliquant l’idée de l’orientation de la boussole !) entouré par le continent hyperboréen : peuple mythique qui vit « par delà le souffle du froid Borée » (le vent du nord) hérité des légendes grecques, et mélange délirant avec les croyances scandinaves. La colonisation de l’Islande par les scandinaves date d’environ 870, et les premières implantations au Xe siècle au Groenland. Pour mémoire : le pôle nord n’a été atteint pour la première fois qu’en 1926 (Roald Amundsen) ! Au regard du reste du monde, nous sommes sur des régions très jeunes de la colonisation humaine moderne !
De quoi parle-t-on ? La région « polaire » et la région « arctique » sont différentes. On définit la région arctique par les moyennes de températures : « la température moyenne pendant le mois le plus chaud (juillet) est au dessous de 10°C », ce qui inclue par exemple la Mer de Béring et les Aléoutiennes mais également la mer du Labrador au sud du Groenland. Et, si la région polaire ne varie pas, il est fort à parier qu’avec le réchauffement climatique, la région arctique s’agrandisse… Il n’y a pas de terre mais un océan autour du pôle nord, c’est donc la convention de Montego Bay de 1982 qui fixe son statut : le droit marin, le droit sur le plateau continental et la ZEE (ne me dites-pas que vous avez déjà oublié ???). Donc, la grande question va être : comment se partager des zones internationales entre grandes puissances (ou moins grandes) limitrophes ! Sachant que les deux questions principales qui sont associées sont : qu’est-ce qu’on peut y trouver ? (les ressources) et qu’est-ce qu’on peut y faire ? (les voies de transport). Et c’est sur ces questions que les États vont s’affronter.
Les peuples « oubliés » : Comme toujours, les grands oubliés de ces stratégies étatiques autour de zones sensibles sont les populations et civilisations originelles de cette région. Et ici encore, par rapport aux peuples indigènes, les frontières actuelles n’ont pas grande signification pour des peuples qui ont conquis ces zones impossibles il y a plus de 4 000 ans ! On distingue en fait 4 grandes catégories :
- Les Inuit (ceux qu’on a coutume d’appeler « eskimo » ou « esquimau », sachant que ce mot signifie « qui mange la viande crue » !) qui vivent du Groenland à la Sibérie et au Canada. Ils sont environ 150 000. Inuk est le singulier d’Inuit (on ne devrait pas dire un inuit, mais un inuk)
- Les Sâmes, Sàmi ou Saami (qu’on appelle de manière impropre encore ici les « lapons ») en Norvège, Suède, Finlande et Russie. Ils sont entre 60 000 et 100 000 pour plus de la moitié en Norvège.
- Les Yacoutes (ou Sakhas), sont plus de 300 000 et vivent quasi uniquement en Sibérie. L’ex Yacoutie est aujourd’hui la République de Sakha, État fédéral de la Russie.
- Enfin, ceux qu’on appelle « les petits peuples du nord », composés d’une mosaïque de 43 peuples comptant en tout moins de 50 000 personnes et tous affiliés à la Russie. Peut-être avez-vous déjà entendu parler des Nénetses, des Tchouktches, des Koriaks, ou des Aléoutes ? Ces peuples, dans 50 ou 100 ans, auront tous disparu…
En dehors des ethnies de Scandinavie, la plupart de ces peuples, nomades, ont été sédentarisés et assimilés bien souvent de force ou constituent désormais un joli tableau pour les touristes de plus en plus nombreux… j’y reviendrais à propos du Nunavut…
Le Conseil de l’Arctique : C’est une des rares instances, en fait un forum intergouvernemental, qui tente de fédérer les actions autour de la région Arctique. Son objectif « visant à se donner les moyens de promouvoir la coopération, la coordination et les interactions entre les États signataires sur des sujets communs, notamment le développement durable et la protection de l'environnement » (Ottawa 1996). Les représentations ethniques locales sont également participants permanents au Conseil. Le Conseil se réunit tous les 6 mois autour de différents programmes essentiellement environnementaux, ce qui n’empêche pas les « tractations de couloir » plus économiques ou stratégiques... Ce qui est très intéressant, au niveau géopolitique ici, c’est la présence d’une douzaine de pays dits « observateurs » qui ont des intérêts énormes dans la région, ne serait-ce que pour les futures voies maritimes qui vont s’y développer. Ce n’est pas un hasard si on y retrouve la Chine, le Japon, le Royaume-Uni ou la France…
Les « frontières » de l’Arctique : Donc, si on résume : C’est le droit maritime international qui prime sur la région arctique et un « Conseil » tente de mettre en relation les pays limitrophes de la zone, dont 2 des plus grandes puissances militaires mondiales, sous l’égide plus ou moins de l’ONU, mais aussi de l’OTAN (Organisation du Traité de l’Atlantique Nord – tiens, on reparle de nord !!!). Rappelons que dans l’OTAN, il y a, entre autres, les États-Unis, le Canada, l’Islande, le Danemark, la Norvège, soit 5 des 8 pays du Conseil de l’Arctique… mais qu’il n’y a pas la Russie !
Sur cette région on se retrouve avec des revendications de frontières ou de paternité à plusieurs niveaux :
- Les ZEE que personne ou presque ne conteste. Enfin si : la Norvège et la Russie en Mer de Barents à cause de l’archipel du Svalbard (ou Spitsberg) appartenant à la Norvège mais revendiquée dans la ZEE de la Russie. Et puis aussi L’Islande et la Norvège en conflit à cause de l’île Jan Mayen… Encore des histoires d’îles ! Vous vous rappelez ?
- Les extensions du plateau continental où là ça commence sérieusement à se compliquer, nous allons voir l’exemple de la dorsale de Lomonossov, mais j’aurais pu parler aussi de la dorsale de Mendeleïev
- Les zones « hors ZEE ou plateau continental » où là c’est le flou le plus complet sur qui peut faire quoi et où. Pour l’instant, et je dis bien pour l’instant, la Russie, les États-Unis, le Canada et dans une moindre mesure le Danemark ont de réelles revendications territoriales sur ces zones. Mais la Chine n’est pas très loin et la France ne lâchera pas St Pierre et Miquelon… la bataille du froid ne fait que commencer…
Le cas de la dorsale de Lomonossov : D’ailleurs, voyons tout de suite un exemple très concret et beaucoup plus stratégique que géologique. La dorsale de Lomonossov est une dorsale océanique découverte par les russes en 1948. Elle s’étend sur 1 800 km de la Sibérie au Groenland. Les géologues russes disent c’est la continuité du plateau continental sibérien, les instances internationales disent, c’est une dorsale océanique de fosse abyssale. Les russes disent : « Appliquons la convention de Montego Bay : on est hors ZEE… mais les droits s’étendent sur le plateau continental et nous sommes sur le plateau continental russe ! » donc c’est à nous. Les autres pays disent : « Hors de question, on est en zone internationale qui n’appartient à personne et donc à tous ! »… sauf les danois (au Groenland) et les canadiens qui disent : « Ah, nous aussi, on veut un bout de la dorsale s’appuyant sur les études russes et leur propre plateau continental ! »… Les russes disent en 2007 : « Puisque c’est comme ça on va aller planter notre drapeau… pas au pôle nord en surface, mais à 4 500 m de profondeur juste sur la dorsale avec un petit robot sous-marin (MIR), pour bien montrer que c’est à nous !!! » Depuis 2013, les experts géologues se renvoient les études de part et d’autre
Levez la tête ! Abordons à présent les problèmes géopolitiques concrets qui se présentent sur cette zone dont on parle peu. Au niveau déplacements aériens en général et militaires en particulier, si vous voulez atteindre rapidement une destination ou une « cible » peut-être est-il plus pratique de « passer par le haut » ??? La Guerre Froide n’est pas si loin, et il se pourrait bien qu’elle reprenne en se doublant du froid polaire, ce qui ferait une « guerre très froide » ! Une douzaine de bases militaires russes sont actuellement soit en construction, soit réhabilitées tout le long de la frontière nord sibérienne, pour deux raisons : contrôler le passage du nord-est (je vais y revenir) et montrer ses biceps au voisin américain via potentiellement ce qu’on appelle « la trajectoire directe », c’est-à-dire en passant par le nord pour le pointage des missiles. Même s’il n’est nullement question à l’heure actuelle de provocations russo/américaines en matière militaire (les USA d’ailleurs ne s’intéressent pas beaucoup aux zones polaires !), cette région peut devenir assez rapidement relativement « chaude »… Les experts internationaux ont du mal à distinguer chez Vladimir Poutine ce qui relève réellement d’une menace militaire ou d’une simple exaltation du nationalisme russe… En « face », entre des États-Unis qui semblent s’apaiser et un Canada peu batailleur, il n’y a pas de répondant pour rétablir un semblant d’équilibre des forces militaires en présence, ce qui peut être un risque…
Les richesses du nord : Mais pourquoi aller se battre pour quelques morceaux de glace et 3 ours en voie de disparition ? Simplement parce qu’au niveau des ressources présentes et surtout à venir, la région polaire nord est un eldorado potentiel : Hydrocarbures, or, gaz… D’après certains modèles ce serait 13 à 20% des ressources pétrolières mondiales non encore découvertes qui dormiraient sur la banquise et 30% des réserves de gaz. Aujourd’hui, déjà d’importantes exploitations minières se retrouvent le long du cercle polaire : étain, nickel, fer, cuivre… surtout au Groenland et en Sibérie. Outre les difficultés d’extraction et des coûts (alors que le prix de baril reste bas) se posent d’énormes problèmes de pollution potentielle d’une zone encore un tout petit peu préservée… C’est un des objectifs de l’existence du Conseil de l’Arctique, qui, dans les faits, n'a aucun pouvoir réel ! Combien de temps encore les grandes puissances vont-elles laisser dormir ces richesses potentielles ? La Russie est dans les starting-blocks et la Chine dans son ombre…
Le passage du Nord : Il existe désormais un enjeu colossal pour les transports avec le réchauffement climatique et la fonte des glaces : le passage du nord. En effet, le calcul est simple à faire : Vous souhaitez relier l’Europe à l’Asie, ou plus précisément Londres (Grande-Bretagne) à Yokohama (Japon) par voie maritime. Si vous passez vers l’Ouest (Atlantique, Canal de Panama, Pacifique), la distance est de 23 300 km. Si vous partez vers l’Est (Méditerranée, Canal de Suez, Mer Rouge, Océan Indien, Pacifique), la distance est de 21 200 km.
Mais si vous optez pour un passage par le nord, soit vous longez le Canada, par le passage du Nord-Ouest sur 14 080 km ; soit vous longez la Russie, le passage du Nord-Est sur 13 841 km, dans les 2 cas, vous gagnez de 7 à 10 000 km ! C’est énorme en matière de temps, de coût de transport et de sécurité. Vous voulez avoir une idée des enjeux ? Allez voir sur le site de trafic maritime en temps réel
Le passage du Nord : Mais le problème, jusqu’à présent était bien la présence de la banquise toute l’année, y compris l’été sans certaines zones et l’obligation pour les cargos de suivre des brise-glaces ou d’attendre des périodes spécifiques pour prendre cette route. Pas toujours compatible avec les impératifs de livraison. Mais voilà, le réchauffement climatique fait que la banquise se forme de moins en moins en automne et en hiver et que les zones libres de glace sont de plus en plus étendues aussi bien dans le temps (de mars à novembre) qu’en surfaces (le long des côtes russes) ! Pour le moment, peu s’aventurent encore sur la route du nord, mais il y a fort à parier que dans les prochaines années cette route devienne un atout majeur, notamment pour la Russie. De nombreux freins existent encore : pas d’escales commerciales, peu de ports refuges, zones mal connues, autorisations russes, protection des marchandises contre le froid, très forte militarisation de la zone… Mais ça va changer…Un signe ? La Chine construit des brise-glaces !
Le Nunavut ? Nation ou simple réserve ? 2 millions de Km² pour seulement 36 000 habitants, le Nunavut (« notre terre » en inuk), en 1993 est déclaré nouveau « territoire » du nord canadien. Et confirmé dans la Confédération canadienne en 1999. Pas de vraies visées indépendantistes des autochtones du simple fait de la constitution canadienne ou les gouvernements locaux ont de grandes autonomies, dans une fédération où le gouvernement central intervient peu. De plus, la représentativité au sein du parlement central est fonction du nombre d’habitants. Donc, dans l’immédiat, peu d’enjeux dans cette région du grand nord, mais, une fois encore, ça pourrait bien changer avec le réchauffement climatique et la découverte récente de gisements de diamants et d’or, peut-être le plus gros gisement au monde d’après certaines sources.
Le Groenland indépendant ? Le Groenland est un territoire autonome affilié au Danemark (un peu de type Nouvelle-Calédonie par rapport à la France). C’est la deuxième plus grande île du monde (derrière l’Australie) mais elle ne compte que 57 000 habitants (pour 90% inuit), l’essentiel de sa surface étant recouvert par la calotte glaciaire. Habité depuis 4 500 ans par les peuples inuit, les viking s’y installent dès le Xe siècle, et le Royaume du Danemark le revendique au XVIIe siècle. Le Groenland ne fait pas partie de l’Union Européenne. En 2019, Donald Trump a proposé au Danemark de « racheter » le Groenland, ce qui a modérément plu au gouvernement danois et encore moins aux inuit… En 2008 un référendum sur l’indépendance l’emporte, depuis 2016 le gouvernement local se prépare à la transition vers l’indépendance d’ici quelques années, ou plusieurs dizaines d’années… selon les représentants politiques. En effet le Groenland se retrouve face aux dilemmes de nombres d’anciennes colonies : l’impossibilité de fonctionner en autonome sans les perfusions du grand frère danois (500 millions d’euros par an soit 60% du budget de l’île) ; des ressources naturelles en particulier minières énormes et de plus en plus facilement exploitables avec le réchauffement climatique, une manne que le grand frère danois n’a pas très envie de laisser filer… Avec les nouvelles routes qui vont s’ouvrir au nord, le Groenland pourrait bien devenir un passage obligé. Enfin, le Groenland devient une destination « à la mode » pour les touristes.
EN RÉSUMÉ : vidéo sur Youtube : Le pôle nord, terrain stratégique - Stories of conflicts (ARTE)
Allez, mettons le cap plein sud maintenant, mais ça n’est pas pour autant qu’il va faire plus chaud !!!
Légende sudiste ! Depuis les grecs anciens (Aristote - Ptolémée) on « pense » qu’il existe un continent « sous » la terre pour la simple raison qu’on pense que le « poids » des continents connus au nord est forcément compensé par un continent au sud pour éviter le basculement de la terre. C’est la terra australis qu’on a d’ailleurs bien longtemps confondu avec l’Australie. Donc, dès que des cartographes représentent le monde, ils dessinent l’Antarctique, même si le continent n’a été formellement découvert qu’en 1819 alors qu’il fait plus de 14 millions de km² !!! Le Cap-Horn à la pointe sud de l’Amérique du sud est passé en 1616 pour la première fois, mais les conditions de navigation dans ces eaux sont tellement épouvantables que personne ne va être capable de traverser les 800 km du « Passage de Drake » entre le Cap et la pointe de l’Antarctique Le pôle sud est atteint pour la première fois en 1911 (15 ans avant le pole nord !) et devinez qui l’atteint ? Le même Roald Amundsen qui atteint le pôle nord, vous comprenez pourquoi il est un héros en Norvège !
De quoi parle-t-on ? La géographie de la région polaire sud est un peu plus simple que pour le nord : un continent : l’Antarctique ! 14 millions de km² (25 fois la taille de la France !) 1 500 habitants humains non permanents et plus de 600 000 manchots. C’est l’enfer : L'Antarctique est le continent le plus froid, le plus sec, le plus venteux et celui qui a l'altitude moyenne la plus élevée. C’est le plus grand désert du monde ! À partir du début du XIXe siècle (après 1819) les pêcheurs viennent massacrer des millions de phoques sur ses côtes. En 1959 on se décide enfin à s'occuper de ce nouveau continent...
Le camembert Antarctique. En 1959 le traité de l'Antarctique est signé par douze États « afin de s’assurer dans l’intérêt de toute l’humanité que l’Antarctique continuera à être employé exclusivement à des fins pacifiques ». 1991 protocole de Madrid : l'ensemble des territoires situés au sud du 60e parallèle sud acquiert un statut particulier : les activités militaires y sont interdites ainsi que l'exploitation des ressources minérales sauf celles qui sont menées à des fins scientifiques et jusqu’en 2048. Ni le Traité ni le Protocole ne sont chapeautés par une organisation internationale supra-étatique, et aucun mécanisme de sanction n’est prévu en cas de non-respect. Pour des raisons de proximité (Chili, Argentine), de contexte historique (Norvège) de recherches scientifiques (France) ou tout simplement de présence, dans un premier temps 7 pays revendiquent des portions du territoire. Mais d’autres pays peuvent venir installer des bases où ils veulent ! Ce qu’ils font !
Des bases scientifiques ? Entre les bases anciennes, plus ou moins abandonnées et les récentes en cours de montage, ce sont plus de… 80 bases scientifiques qui se sont montées en Antarctique avec les pays « originels » du traité de 1959 et bien entendu, les États-Unis, la Chine, mais aussi des pays plus « exotiques » comme l’Inde, l’Uruguay, la Bulgarie, la corée du Sud, l’Espagne, le Japon, la Roumanie, le Pérou… En gros la moitié du monde s’est trouvé une soudaine passion pour la recherche scientifique en Antarctique. Pour l’instant c’est un statu quo mais si des expéditions ou des bases sont réellement montées pour la recherche scientifique notamment sur le climat ou les espèces animales, certaines sont purement et simplement des zones de prospection minières, sans exploitation… pour le moment, notamment les nouvelles bases chinoises… En 2013, les russes ont réalisé un forage sous la glace de 3,8 km de profondeur pour théoriquement des recherches sur la glace, mais ça leur a permis aussi de tester des technologies pour l’exploitation d’hydrocarbures ! En 2017, les chinois ont brisé un tabou en parlant, pour la première fois « d’utilisation » de l’Antarctique !
L’Eldorado ! Les réserves d’hydrocarbure en Antarctique représenterait 20% de la réserve mondiale ! On y trouve de tout : du fer, du charbon, des diamants... Mais une autre ressource première insoupçonnées : l’eau douce ! Les glaciers de l’Antarctique représenteraient 90% de l’eau douce de la planète. Sans oublier le Krill (dont on fait une huile, mais aussi le principal aliment des baleines) et peut-être un secteur en plein développement : le tourisme polaire, en particulier chez les chinois ! Combien d’années encore avant que les traités de l’Antarctique soient oubliés ?
Les TAAF : Allez, vous connaissez mon amour pour les îles, je vais donc finir avec des poussières de France aux frontières du grand froid : les terres australes et antarctiques françaises les TAAF. Ce sont les îles Crozet, Kerguelen, Saint-Paul, Nouvelle Amsterdam et une partie du continent Antarctique : la Terre Adélie. Rattachées à la France depuis le XVIIIe siècle, ces terres du bout du monde, comptent au maximum 140 hommes (essentiellement des missions scientifiques et des ancrages militaires), mais une ZEE de 2,3 millions de km². Elles sont territoires d’outre-mer gérées depuis l’île de la Réunion.
Si vous cherchez un avenir un peu « original » sachez que les TAAF recrutent assez régulièrement dans les métiers de l’environnement, de la restauration, du service et même pour des services civiques. Vous voulez y aller, pas de problèmes : l’avion jusqu’à la Réunion (13 heures). Ensuite il vous faudra attendre une rotation du bateau ravitailleur le Marion Dufresne et partir pour 16 jours de mer avant d’être débarqué pour… 6 mois, ou peut-être un an, ou peut-être plus…
Pourquoi la France garde-t-elle ces cailloux battus par les vents ? (en dehors de l’impressionnante zone de pêche qu’elle s’octroie avec la ZEE) Mais pour garder un pied au plus près de ce grand sud qui pourrait bien demain devenir un nouvel Eldorado…
Conclusion : On se focalise à l’heure actuelle, à juste titre, sur des zones de tensions réelles : Moyen-Orient, Asie du sud-est, Afrique sub-saharienne… Les conflits, hélas, ne manquent pas. Mais, avec un réchauffement climatique rapide, des ressources naturelles de plus en plus rares, une demande croissante et sauvage de pays émergents comme la Chine ou l’Inde, les zones polaires deviennent de très gros enjeux de territoires dans les années à venir, d’autant plus que les organismes de surveillance ont peu de pouvoir. Enfin, ces zones sont très peu peuplées, et c’est bien connu… la nature a horreur du vide… Qu’adviendra-t-il dans les prochaines années des dernières régions relativement vierges de la planète ? La géopolitique mondiale risque bien de s’y focaliser, pas forcément pour le bonheur de l’Humanité…