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...Chez Francky

201-6

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Étrange cette capacité illimité de l’humain à construire des murs !

Comme si l’horizon lointain, l’infini des paysages, et le monde à découvrir lui faisaient si peur qu’il aime à se refermer autour de pierres, de fer, de terre ? Lointain souvenir des grottes ? Entrainement pour l’après ? Les tristes murs que nous allons voir vont bien au-delà de la problématique géopolitique, ils sont la marque inscrite en vertical de toute l’angoisse existentielle de l’Humanité !

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Un peu d’histoire et beaucoup de symboles  : Quand j’ai voulu préparer ce cours, j’ai été bêtement taper sur Wikipédia : « liste des murs ». Avec « murailles » et « barrières », j’ai obtenu plus de 75 réponses ! Il y a plus de 75 murs et murailles plus ou moins célèbres dans l’Histoire ancienne ou contemporaine !!!! N’est-ce pas épouvantable ? Quand on parle de murs de la honte, vous allez voir que ça n’est pas un vain mot…

Alors, si, dans ce cours je vais essentiellement prendre des cas actuels, un tout petit rappel historique avec 3 exemples en introduction : les murs, ça ne date pas d’hier !!! Et si vous avez la curiosité de prolonger ce cours, allez jeter un œil sur la ligne Maginot, le mur de la peste, la muraille de Troie ou encore les murs de l’empire Inca, vous verrez que l’homme ne manque pas d’imagination pour bloquer son prochain !

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Une vieille histoire : le mur d’Hadrien : Entre 122 et 127 après J.-C. l’empereur romain Hadrien fait édifier un mur en pierre et en terre sur la partie nord de l’Angleterre qui sépare l’Écosse.

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le mur d’Hadrien (s’écrit Hadrian en anglais) : C’était la limite nord de la province romaine de Bretagne et le mur a été construit pour empêcher les invasions « barbares ». Pour la petite histoire, « barbare » vient du grec βάρϐαρος qui signifie juste « qui ne parle pas le grec » et n’a pas, à l’origine, la connotation négative que nous lui donnons. Les romains ont repris le terme pour désigner ceux qui n’appartiennent pas à leur civilisation, au delà du limes. Le « limes » romain peut avoir 2 significations, soir la barrière, la frontière, comme le mur d’Hadrien par exemple, mais aussi un chemin bordant un domaine. Le mot « limite » vient de ce terme. Les romains ont été de grands constructeurs de limes ! L’objectif de ce mur, peu élevé est surtout d’empêcher le passage des cavaliers et sera peu à peu abandonné au Ve siècle, les soldats devenant paysans. Une partie de la légende du roi Arthur est issue de ce mur, limite de l’empire romain, et qu’on va également retrouvé dans la série Game of Thrones…

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Une vieille histoire : La Grande muraille de Chine. Probablement le mur le plus célèbre au monde, parce que le mur de tous les records !!!!

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La grande muraille de Chine : On devrait plutôt parler d’ailleurs DES grandes murailles de Chine, car le terme comprend des fortifications par forcément continues, bâties en plusieurs endroits et surtout sur une très longue période, près de 2 000 ans, entre le IIIe siècle avant J.-C. et le XVIIe siècle ! Mises « bout à bout », officiellement, on compte plus de 21 000 km de mur (ce qui en fait le plus grand édifice construit de l’Histoire) même s’il ne reste que quelques centaines de kilomètres de visitables aujourd’hui. La plus grande partie (8 800 km) a été réalisée sous la dynastie Ming entre le XIV et le XVIIe siècles, dans les parties désertiques, il ne reste bien souvent que des vestiges. Construite, détruite, utilisée, abandonnée, réutilisée, au cours des 2 000 ans de son histoire la Grande Muraille a principalement servi à marquer d’abord les limites des royaumes, avant l’unification chinoise sous les Qin, puis les Han, protégeant la limite nord de la Nation naissante. Mais la Grande Muraille et ses points de passage obligé était aussi un excellent moyen de contrôler les déplacements aussi bien des populations que des marchandises, et, de fait, de contrôler ces flux… Et ça c’est un phénomène intéressant de la construction des murs : bloquer pour obliger à passer par quelque part en particulier ! Retenez-le !

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Une (moins) vieille histoire : le mur de Berlin. Plus proche de nous maintenant, et dernier exemple de ces murs de l’Histoire : le mur de Berlin

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Le mur de Berlin : Vous n’étiez même pas né quand le mur est tombé en 1989. Moi j’avais 27 ans et c’est un de mes plus grands souvenirs d’actualité en direct (avec le premier homme sur la Lune et 1969 et, hélas, les attentats du World Trade Center à New York en 2001). Au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale, les « vainqueurs » se partagent ce qui reste de l’Allemagne vaincue. La partie Ouest du pays, devient RFA, République Fédérale d’Allemagne sous régime occidental, capitaliste ; la partie Est devient RDA, République Démocratique d’Allemagne sous influence soviétique. Mais Berlin est une enclave des Alliés (anglais, américains et français) à l’intérieur de la RDA. Dans la nuit du 13 août 1961 le régime de la RDA fait construire un mur coupant littéralement la ville en 2 pour empêcher l’hémorragie de population vers l’Ouest, fuyant le régime communiste. Intéressant à noter donc : un mur peut servir à empêcher les personnes de rentrer, il peut aussi être bâti pour les empêcher de sortir ! On cherchait un symbole « physique » à la Guerre Froide et à la séparation du monde en 2 camps, on l’a trouvé dans ce mur, appelé aussi, par extrapolation pour toutes les frontières entre ouest et est pendant plus de 25 ans, « le rideau de fer ». De même, l’effondrement du bloc communiste et les débuts de la fin de l’URSS est symbolisé par « la chute du mur » le 09 novembre 1989. Un mur, qu’il soit construit ou détruit peu donc être un acte de naissance et de décès d’un évènement historique majeur. À peine un an plus tard, le 03 octobre 1990, l’Allemagne sera réunifiée.

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À quoi ça sert ? À travers ces 3 exemples historiques vous pouvez déjà avoir une petite idée de la portée et de l’usage des murs, des barrières, dans la géopolitique passée et actuelle, mais également, potentiellement future : un mur ça se construit, mais ça se détruit aussi, et si ce n’est pas la politique ou la stratégie qui s’en chargent, le temps fait très bien le boulot ! Combien de murs qui se voulaient éternels dont on ne trouve plus une seule trace aujourd’hui ? Probablement des centaines ! Donc, déjà certaines fonctions des murs que vous pouvez percevoir :

  • Empêcher de rentrer (enfin essayer !), des hommes, des marchandises, des maladies…
  • Empêcher de sortir (enfin essayer !), des hommes, des marchandises, des maladies…
  • Marquer son territoire et, de fait ses limites
  • Canaliser pour mieux réguler (enfin, théoriquement)
  • Temporiser (enfin, essayer !), des hommes, des marchandises, des maladies…

Vous aurez quand même noté que côté flux de capitaux, il n’y a pas beaucoup de murs en ce bas monde…

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Presque partout dans le monde. : Voici la carte la plus récente (2017) que j’ai pu trouver sur les murs et barrières qui sont érigés un peu partout dans le monde. Deux constats évidents à la lecture de cette carte : L’Amérique Latine en est dépourvue. L’essentiel des « murs se concentre sur l’Europe et le Bassin Méditerranéen. Est-ce à dire qu’il n’y a pas de conflits territoriaux en Amérique Latine ? Est-ce à dire que la construction des murs est indépendante des conflits ? À vous de trouver les réponses...

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Et de plus en plus ! Voici les statistiques (trouvées sur Erudit.org) du nombre de constructions de murs frontaliers depuis la fin de la Deuxième Guerre Mondiale. L’évolution depuis les années 2000 n’est-elle pas impressionnante ? De 2001 à 2011, 29 murs sont construits ce qui représente une hausse de 60 % du nombre de murs dans le monde : Turkménistan-Ouzbékistan ; Israël/Palestine ; Inde/Pakistan ; Botswana/Zimbabwe ; Pakistan/Afghanistan ; Chine/Corée du Nord ; Arabie saoudite/Yémen ; Arabie saoudite/Irak ; Arabie saoudite/Oman ; Arabie saoudite/Qatar ; Arabie saoudite/ Émirats arabes unis ; Inde/Bangladesh ; Inde/Pakistan ; Égypte/Bande de Gaza ; Kazakhstan/Ouzbékistan ; Iran/Pakistan ; Israël/Liban ; Israël/Jordanie ; Jordanie/Irak ; Inde/Birmanie ; Birmanie/Bangladesh ; Thaïlande/Malaisie ; Émirats arabes unis/Oman ; Brunei/Malaisie orientale ; Russie/Géorgie ; Iran/Pakistan ; Iran/Afghanistan ; Grèce/Turquie ; Bulgarie/Turquie

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Il y a mur et mur ! Si, il y a quelques centaines d’années, pour bâtir un mur on se contentait d’ériger des briques ou de la terre, le génie de la construction humaine et de l’efficacité économique se révèlent dans toute leur splendeur depuis la fin du XXe siècle. Par exemple, aidés par les États-Unis, l’Égypte fait bâtir un mur sur sa frontière avec la bande de Gaza palestinienne, certes en « plein air », mais aussi et surtout sous terre, avec une barrière en métal descendant à plus de 20m de profondeur et destinée à « boucher » le passage des combattants du Hamas et des contrebandiers à travers les centaines de tunnels qui couvrent les 15 km de frontière. Empêcher le passage par ces tunnels, c’est aussi isoler encore plus les populations de la bande de Gaza.

Autre exemple merveilleux de créativité, le gouvernement grec a annoncé en février 2020 son intention de développer des murs flottants entre les îles du Dodécanèse, dont Lesbos, et la Turquie, pour empêcher les embarcations de s’approcher des îles grecques. Déjà, une barrière flottante a été mise en place sur 2,7 km de long (alors qu’il y a 50 km de côte) pour la modique somme de 500 000 euros.

Si vous faites des murs jusqu’à la mer par exemple, jusqu’où devez-vous prolonger ce mur en mer pour qu’il soit efficace ? Le principe est simple : soit vous créez un mur physiquement quasi infranchissable, soit vous disposez de suffisamment de soldats pour garder le mur. Une bonne technique aussi consiste à miner bande de terrain, mais c’est mal vu !!! Mais rien de mieux qu’un bon vieux désert, océan, fleuve ou haute montagne, un vrai mur naturel pour s’enfermer !!!

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Passons donc maintenant à quelques exemples précis. J’en ai retenu 5, mais je n’avais que l’embarras du choix : La barrière américaine face au Mexique ; le mur de sable marocain ; la politique sécuritaire israélienne ; le mur des deux Corées et la multiplication des tentatives de barrière en Europe.

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Premier exemple : le cas des deux Corées

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Corée du Nord / Corée du Sud : Voici un mur qui n’est pas seulement un mur ! C’est pratiquement le seul vestige actuel (depuis la chute du mur de Berlin) de la Guerre Froide. À la fin de la Seconde Guerre Mondiale, comme en Allemagne, les alliés et l’Union Soviétique se partagent la Corée (sous domination japonaise) de part et d’autre du 38eme parallèle. Le nord soviétique, le sud américain. En 1950 éclate la guerre de Corée, en 1953 un accord est signé entre nord et sud pour décréter d’une zone démilitarisée séparant, jusqu’à aujourd’hui encore le pays en deux. Au nord se développe la « République populaire démocratique de Corée » l’un des États les plus fermés au monde sous influence soviétique jusque dans les années 1990 puis sous la dictature de Kim Jong-Il et désormais de son tristement célèbre fils : Kim Jong-Un qui souffle le chaud et le froid permanent avec son voisin du sud : la République de Corée. Le long de cette zone où plus d’un million de militaires s’observent de part et d’autres (700 000 au nord et 400 000 au sud) s’étend un no man's land de 4 km de large, planté de plus d’un million de mines. On l’appelle la DMZ (zone démilitarisée en allemand). Il n’existe qu’un seul point de passage, la Joint Security Area, gérée par l’ONU. Entre 1974 et 1990, 4 tunnels avaient été construits en cachette par la Corée du Nord pour envahir le Sud. Depuis l’existence de ce « mur » seuls une poignée de soldats nord-coréens ont réussi à franchir la zone, mais c’est probablement le mur le plus « efficace » existant à l’heure actuelle !

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Ce serait presque comique si ça n’était pas aussi tragique ! Mesdames, Messieurs, voici la jolie petite ville de Kijong Dong à la frontière, côté Corée du Nord. Les militaires, de part et d’autres de la frontière s’observent depuis 1953, ils regardent si l’ennemi communiste ou l’ennemi capitaliste suivant le côté où on se place ne vient pas sournoisement envahir l’autre côté. Normal. Mais en Corée du Sud, à partir des années 1980, la zone devient une attraction touristique. On vient voir « le nord » comme on visite un cimetière ou un musée. C’est même devenu une occupation majeure du touriste sud-coréen dans son propre pays. En plus, vient se greffer le frisson du potentiel danger, comme on s’approcherait d’un volcan sur le point d’entrer en éruption ! Les nord-coréens, pour qui toute propagande est bonne à prendre ont construit de toute pièce le « village de la paix », Kijong Dong, un village idéal, pratiquement factice, éclairé en permanence, avec même des acteurs qui jouent le rôle des habitants pour montrer au sud la douceur de la vie au nord ! C’est un décor, une façade, une pub !!! En réalité, personne ne vit à Kijong Dong et les paysans qui survivent dans la région restent parmi les personnes les plus pauvres du monde, au point, aujourd’hui encore, de mourir de faim…

Alors ce mur, qui, semble-t-il n’est pas très de tomber, est devenu bien plus qu’une simple frontière : le choc absurde de 2 idéologies, d’un même peuple arbitrairement séparé depuis plus de 60 ans et qui joue a se faire peur. Les tentatives de « passage » de ce mur se jouent plutôt en mer, et les missiles pointés de part et d’autre ne s’arrèteront pas à une zone démilitarisée si demain, un fou décide d’appuyer sur un bouton…

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Deuxième exemple, beaucoup moins connu : le mur des sables du désert marocain. Vous pensiez qu’un désert pouvait suffire à arrêter les populations ? Pas si ces populations sont des nomades du désert !

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Maroc / Sahara Occidental : Le Maroc a toujours revendiqué sa légitimité sur la partie sud de la région, désertique, ancien Sahara Espagnol. Une guerre l’oppose à la Mauritanie qui revendique également ces terres, puis avec le Front Polisario, mouvement indépendantiste . En 1979, la Mauritanie se retire des revendications territoriales, et, entre 1980 et 1987, le Maroc érige une barrière de sable dans le désert de plus de 2700 km afin, en théorie, de protéger ses frontières, mais surtout de marquer son « territoire » par rapport au peuple Sahraoui. Pour le Maroc, le Sahara Occidental n’existe pas, mais parallèlement, la RASD, République Arabe Sahrouie Démocratique, n’est pas reconnue comme pays au niveau International. C’est donc une région revendiquée par 2 protagonistes (le Maroc contrôlant 80% du territoire, le Front Polisario 20%), mais aussi avec le grand ennemi algérien qui soutient plus ou moins secrètement les tentatives de déstabilisation du Maroc dans cette région. Il y a quand même 100 000 soldats marocains qui gardent cette barrière de sable qu’on distingue nettement sur les images satellites. Le mur ici est une vraie tentative également de « marquage » de la frontière. N’oublions pas que les frontières entre pays africains, en particulier dans cette partie désertique ont été, pour la plupart, tracées par les colons occidentaux à grands coups de règles sur la carte, ne tenant compte en rien des réalités ethniques du continent africain ! En janvier 2021, les États-Unis, pour remercier le Maroc d’avoir rétablit leurs relations diplomatiques avec Israël ont décidé de reconnaitre la souveraineté du Royaume sur le Sahara Occidental.

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Sédentariser de force : Nous le voyons avec le Maroc et ses populations du sud : l’un des objectifs de la construction de murs peut-être aussi de tenter de sédentariser de force des populations nomades. Certains peuples ont organisé toute leur existence autour du nomadisme, soit pour déplacer leurs troupeaux, pour organiser le transport des marchandises ou plus simplement pour changer de zone de pêche, de chasse ou de cueillette. Les frontières n’ont pas, à priori, d’existence pour ces peuples qui sont sédentarisés souvent de force. La Grande Muraille de Chine pour empêcher le déplacement des nomades mongols, le mur de sable du Maroc pour bloquer les nomades sahraouis , même combat !

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Partons sur le continent américain cette fois, avec peut-être le mur qui a le plus fait parler de lui !

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États-Unis / Mexique : Le mur est à la frontière entre les 2 États, en réalité c’est un mur États-Unis / Reste de l’Amérique Latine. La frontière entre les USA et le Mexique date de 1853. Sur ces 3 200 km de frontière commune presque une moitié est formée par le Rio Grande et un tiers par de vastes zones désertiques. Dans l’ensemble, il n’était donc pas évident de passer des USA au Mexique, même si plus de 180 millions de passages se font chaque année, ce qui en fait la frontière la plus fréquentée au monde !! Contrairement à ce que beaucoup croient, ce mur ne date pas de Donald Trump, et c’est même le président qui en a le moins construit !!! Dès 1990, George Bush père commence a érigé un grillage du côté de San Diego en Californie. En 2006, George W. Bush instaure la « Secure Fence Act » afin de renforcer la surveillance frontalière pou lutter contre l’immigration clandestine. D’abord des clôtures, de plus en plus hautes ; des miradors, des patrouilles dédiées… et peu, à peu s’est érigée cette muraille entre les 2 pays. Les présidences démocrates, que ce soit Clinton ou Obama n’ont en rien stoppé la construction du mur. Et c’est parce que le mur était un des thèmes de campagne de Trump, et que ses ambitions démesurées ont été plus ou moins abandonnées que l’on a beaucoup parlé du mur à propos de Trump ! Son budget prévoyait un coup de 25 milliards de dollars ! Dans les faits, il était le président qui aura le moins construit de mur !!!!

Entre 2001 et 2017, les USA ont dépensé plus de 100 milliards de dollars pour sécuriser leur frontière avec le Mexique

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La confrontation directe entre 2 mondes : Sur cette incroyable photo, vous avez 2 mondes où l’impression de développement est inversée. On pourrait croire que c’est à droite que se trouve la richesse et le potentiel d’afflux de migrants, mais c’est l’inverse. Nous sommes à Tijuana, la dernière ville frontière au nord-ouest du Mexique, séparée par la barrière avec les premiers no man’s land américains. Et ce mur qui fait tant de bruits cache en fait des mouvements et des relations économiques très intenses entre les 2 pays.

Ainsi, les États-Unis ont multiplié les « maquiladoras », ces usines implantées juste derrière la frontière, mais avec des coûts de main-d’œuvre beaucoup plus faible qu’aux USA. L’équivalent de nos « délocalisations » (en Europe de l’Est, Asie du sud-est ou en Afrique du Nord) mais avec des coûts de transport beaucoup plus faibles, nous sommes juste derrière la frontière ! Donc, une partie de l’économie mexicaine s’appuie aussi sur ces maquiladoras yankees !

Parallèlement des travailleurs mexicains sont employés (plus ou moins légalement) dans les usines ou les services à la personne (bonnes, cuisiniers, gardes d’enfants…) côté américain. Au point que sur les 330 millions d’américains, plus de 50 millions parlent espagnol et que, d’après certains modèles, d’ici la fin du siècle, l’espagnol sera la langue la plus parlée au USA ! Ce que le mur cherche à « ralentir », c’est l’immigration clandestine. On estime à 12 millions le nombre « d’illégaux » vivant aux USA et désormais, c’est du Guatemala, du Honduras et du Salvador que les migrants affluent au Mexique pour se heurter au mur américain. Devant la difficulté croissante des passages de la frontière, les cartels mexicains ont senti le marché illégal et s’est développé (comme sur les côtes d’Afrique) un énorme marché à la migration illégale, qui rapporte désormais bien plus que le trafic de drogue ! Les murs, puevent être un excellent "business" pour ceux qui les construisent, mais aussi pour ceux qui proposent de les passer !

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Le pays des murs : l’imbrication entre Israël et Palestine. Vous vous rappelez cette carte de « l’archipel palestinien » de Julien Boussac ? Les murs peuvent être si nombreux qu’ils peuvent ressembler aux vagues de la mer !

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Israël / Palestine : Depuis 2002, Israël construit un mur colossal, de plus de 700 km, le long de ses frontières avec la Palestine. La deuxième intifada avait provoqué la mort de 800 civils israéliens et dans l’urgence, le gouvernement israélien fait bâtir ce mur. Si le besoin de se protéger contre le terrorisme est légitime (73 attentats suicides de 2002 à 2003 !), le mur permet également à Israël de redélimiter, de fait, ses frontières avec la Palestine cisjordanienne. Benyamin Netanyahou, le chef d’État israélien, en poste depuis 2009, est aussi le président du Likoud, la parti national conservateur. Sa politique sécuritaire se double d’une politique expansionniste notamment en autorisant la multiplication des colonies juives en Cisjordanie. De fait, de nouvelles cités s’installent et, aussitôt, pour se prémunir des attaques palestiniennes, bâtissent un mur d’enceinte. Ainsi, le territoire cisjordanien est peu à peu mité par les nouvelles implantations israéliennes et littéralement enfermé à l’extérieur des barrières de séparation. De plus, les murs sont bâtis sur des terres agricoles confisquées à quelques mètres des villages palestiniens. Les organisations humanitaires, jusqu’à l’ONU qui s’insurgent, mais sans réelle conséquence sur la politique israélienne actuelle. Tout l’épouvantable paradoxe actuel est là : le peuple juif qui a connu les pires conditions d’enfermement de l’Histoire de l’Humanité se referme aujourd’hui sur ses frontières pour tenter de se protéger…

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Allez, terminons ce triste tour d’horizon par nos propres murs : les barrières européennes

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Europe / Migrants : Pour comprendre les murs qui se dressent de plus en plus aux frontières de l’Europe, il faut avoir en tête l’état de l’UE actuel et notamment de l’espace Schengen. Pour les migrants il ne s’agit pas tant de rentrer en Europe que de rentrer dans l’espace Schengen , même si les contrôles aux frontières ont été rétablis depuis 2015 et que bon nombre de migrants cherchent à rejoindre la Grande-Bretagne non Schengen et désormais non Europe. Il n’existe pas de migrants qui quittent leur pays, leur famille, toute leur vie avec un simple sac à dos pour parcourir plusieurs milliers de kilomètres dans des conditions épouvantables par plaisir !

Il n’existe pas de « vague » de migrants, de « hordes de barbares étrangers qui viennent voler notre travail et apporter le terrorisme » ! En 2018, année de très grand flux migratoire, 3,9 millions de migrants sont arrivés en Europe, mais 2,6 en sont partis ! L’Union européenne compte 447 millions d’habitants, le ras de marée migratoire dont on nous a parlé, c’est 0,3 % de la population européenne (1,3 pour 447) ! Ce sont des flux migratoires bien inférieurs aux flux espagnols, portugais, italiens, polonais, africains, asiatiques que nous avons vécu au cours du XXe siècle. On est toujours l’étranger de quelqu’un ! À elle seule, entre 2015 et 2019, l’Allemagne a accueilli plus d’un million de migrants !!

Les principaux murs et barrières construits ou en cours de construction à l’heure actuelle concernent :

  • Les murs de Ceuta et Melilla entre Maroc et Espagne
  • Les murs sur les frontières Est de l’Europe : Bulgarie / Turquie – Grèce / Turquie – Slovénie / Croatie – Hongrie / Croatie – Hongrie / Serbie - Macédoine / Grèce. En fonction des États, et donc des chefs d’État, la politique vis-à-vis des migrants ne va pas du tout être la même…

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La Hongrie se mure ! Victor Orban, premier ministre hongrois depuis 2014, a ravivé le populisme hongrois et multiplie les décisions ouvertement d’extrême-droite. Bien que membre de l’Union européenne et même de l’espace Schengen, il refuse nettement la politique européenne en matière d’intégration des migrants et emmure son pays sur sa façade est : clôture en cours avec la Roumanie, clôture avec la Croatie pourtant 2 autres pays européens et surtout double clôture avec la Serbie, dont Orban est un farouche opposant. Cette attitude, dénoncée mollement par l’UE, ralenti les flux de migrants vers l’Europe de l’Ouest… mais au prix de quelles souffrances pour les réfugiés de l’Est ? Petit clin d’œil de l’Histoire : la Hongrie a été le premier pays d’Europe de l’Est à prendre son indépendance de l’Union Soviétique en 1989, au moment de la chute du « rideau de fer » en 1989 ! L’Histoire n’a vraiment pas bonne mémoire !

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Les enclaves de Ceuta et Melilla : Poussières de la présence espagnole en Afrique du nord, les deux villes de Ceuta et Melilla au Maroc sont des enclaves de l’Europe en terre africaine. En 2005, des centaines de migrants de l’Afrique sub-saharienne ont pris d’assaut les grillages de l’enclave de Ceuta, annonçant un renforcement des mouvements de migration vers l’Europe. La tentative de passage se solde par 5 morts et des centaines de blessés, les forces de l’ordre espagnole ayant tiré à balles réelles sur les migrants pour les empêcher de passer. L’Espagne est un pays démocrate , mais la réponse à cette tentative de passage a décuplé les techniques mises en place pour empêcher le passage des migrants. Sur le schéma est détaillé le dispositif de 6 barrières installées pour tenter d’étanchéifier la frontière ! Les seigneurs se replient dans leur château et remontent les pont-levis !

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L’Europe se referme : Lorsque l’on regarde la courbe du nombre de kilomètres de murs construits en Europe depuis 20 ans, l’accélération depuis 2010 est spectaculaire. Elle répond, mal, à l’augmentation des flux de migrations résultants de la conjonction de plusieurs phénomènes :

  • Les crises politiques dans bon nombre de pays d’Afrique ou d’Asie centrale
  • Les crises économiques
  • Les guerres
  • Les politiques autoritaires et répressives des pays d’origine
  • Les conditions climatiques
  • L’illusion relayée par les circuits de passeurs et les trafiquants d’êtres humains que la réussite économique est en Europe.

Aucun homme au monde ne quitte son pays, sa famille, ses amis, sa culture, son histoire… s’il n’est pas obligé ! L’Europe profite de la menace terroriste et désormais du covid pour refermer un peu plus ses frontières. Désormais c’est vers les pays du Nord que naissent les nouveaux murs (Estonie, Finlande, Lettonie, Pologne…) mais aussi vers Calais et le passage vers la Grande-Bretagne.

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Tout est bon pour faire des murs : Les murs ne sont pas seulement de grandes frontières construites pour séparer des pays, ils peuvent être ponctuels, intra-urbain et liés à pratiquement quel objectif, dès lors qu’on pense qu’en isolant deux populations avec une barrière physique on va définitivement empêcher les mouvements. Trois exemples plus ou moins dramatiques :

  • Le ghetto de Varsovie ou les allemands ont littéralement emmuré des quartiers entiers de la capitale polonaise entre 1940 et 1943 pour y laisser simplement mourir les 350 000 juifs coincés entre ces murs jusqu’à l’insurrection d’avril 1943. Les derniers résistants finiront au camp d’extermination de Treblinka…
  • Plus près de nous en 2006, le maire de Padoue en Italie ne trouve rien de mieux à faire que d’ériger une barrière de séparation en acier de 3 m de haut sur 86 m de long, via Anelli, entre deux quartiers dont l’un est dit « sensible » (essentiellement peuplé de migrants) afin, parait-il, de ralentir le trafic de drogue. Qui, bien évidement, n’a fait que se déplacer ailleurs et isoler un peu plus les populations émigrées !
  • Encore plus près de nous, puisqu’on y est encore : Les autorités chinoises ont cru pouvoir arrêter la propagation du virus de la covid en dressant un mur tout autour du quartier supposé d’origine de la pandémie dans la ville de Wuhan en 2019… La suite, on la connait…

Pour isoler, empêcher, ralentir, enfermer, éliminer, contenir… au final, on se rend compte que les murs ne servent au mieux qu’à ralentir, au pire… à rien !

Mais si ! On le voit partout désormais : le mur va essentiellement servir en politique intérieure pour répondre à une angoisse sécuritaire. C’est une réponse facile et spectaculairement visible des gouvernants à la peur de ce qui ne fait pas partie du communément admis dans la propriété quelle soit individuelle ou sociétale. Les américains, traditionnellement ne construisent pas de clôture entre leurs maisons, les jardins sont continus. La propriété est dans la maison. Les français clôturent leur jardin, les portugais dressent des murets tout autour de leurs propriétés… À chaque peuple, culture, civilisation, régime, de se référer à ce qui est à soi, ce qui est étranger.

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Quand les murs fabriquent des territoires : Nous l’avons vu avec les cartels mexicains, la simple présence des murs engendre de nouveaux types de fonctionnement, voir de nouveaux écosystèmes. Le mur n’est plus seulement une séparation entre 2 États, mais une entité territoriale. Ainsi des études ont montré que des évolutions génétiques s’étaient produites sur la flore de part et d’autre de la Grande Muraille de Chine. Parfois, les murs sont des refuges pour les espèces, par exemple dans la zone démilitarisée entre les 2 Corées. Des économies parallèles s’y organisent comme les « femmes-mulets » marocaines qui transportent des marchandises dans des conditions épouvantables dans les enclaves de Ceuta et Melilla.

Avec la covid, le prétexte au renforcement des murs est encore plus puissant désormais. Depuis le 11 septembre 2001, le monde en général et l’Occident en particulier sont entrés en période de replis et tentent presque désespérément d’empêcher l’arrivée du nouveau monde en multipliant les murs. Comme si la vie était quelque chose de figé qui n’était pas, par définition perpétuellement en mouvement…

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The Wall : Je ne peux pas finir sans un clin d’œil sur ce superbe album des Pink Floyd de 1979, repris dans le film d’Alan Parker en 1982 que vous connaissez surement, ne serait-ce que par le morceau « Another brick in the wall ». Parfois, les murs ne sont pas forcément de brique ou d’acier. Ils peuvent être dans la langue, la religion, la couleur de peau, l’éducation, l’âge, le sexe, la pensée, la compréhension…

Allez, faites tomber tous ces murs !

 

 

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