201-7
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Allez, regardons vers les étoiles… là aussi, ça cartonne ! Contrairement à ce que vous pouvez penser, la conquête spatiale n’est pas seulement une formidable aventure scientifique humaine, c’est aussi, hélas, un terrain de jeu pour les grandes puissances qui souhaitent marquer un coup d’avance sur l’échiquier géopolitique mondial. Et depuis quelques temps, la bataille s’accélère…
D’abord quelques repères historiques pour contextualiser, mais aussi pour vous montrer que l’espace est hautement géopolitique.
Un vieux, très vieux rêve ! L’homme toujours eu envie de « voler ». D’abord pour se croire élu des dieux, puis par défi technologique, mais c’est à la guerre de 1914 qu’il va se rendre compte du formidable potentiel militaire. Pour rappel, dans la mythologie grecque, le personnage d’Icare est devenu célèbre pour avoir été le premier à s’envoler avec des ailes de plumes collées avec de la cire. Son père Dédale l’ayant mis en garde contre la chaleur du soleil, Icare s’envola pourtant trop haut, la cire de ses ailes fondit et Icare mourut, précipité en mer. Cette histoire est une métaphore du thème de la transgression et des rapports parents/enfants mais aussi, sous-jacent l’idée que la liberté est dangereuse. Le mythe va rester très présent dans l’histoire : il ne faut pas s’accaparer un espace réservé aux anges !
À la Renaissance l’idée de voler refait son apparition, cette fois du côté technologique, notamment avec les travaux de Léonard de Vinci. Il imagine plusieurs engins volants, dont sa fameuse « aile volante » en 1488, qu’a priori, il n’a jamais testé (comme beaucoup des inventions de Léonard de Vinci). Il était matériellement impossible que son invention fonctionne, le rapport poids/portance étant inadapté. Le vrai « décollage » intervient avec le premier vol d’une montgolfière en 1783. Si ça reste une attraction pendant presque une centaine d’année, à la fin du XIXe siècle, on verra des montgolfières utilisées à titre militaire, notamment pour l’observation sur les champs de bataille.
Un avion pour faire la guerre : Presque tous les historiens s’accordent pour faire remonter le premier vol d’avion à 1903, avec l’invention des frères Wright, aux États-Unis. L’industrie ne s’y intéresse pas vraiment, mais l’armée oui ! Voyant le potentiel au combat, les militaires, aussi bien aux USA qu’en Europe se précipitent sur l’invention pour la perfectionner très rapidement. Dès 1909 on voit apparaitre les premiers avions pour le combat et la première Guerre mondiale va voir pleinement se développer les tentatives de maîtrise de l’espace aérien. 50 000 avions seront fabriqués en France entre 1914 et 1918, 40 000 en Angleterre et plus de 40 000 également en Allemagne. La bataille du ciel a commencé !
V1, V2… L’homme, jamais avare de progrès technologiques quand il s’agit de dézinguer d’autres hommes va donc perfectionner d’un côté tout ce qui est canon, obus, et de l’autre tout ce qui est avion. Soit on tire une charge depuis un dispositif au sol (ou en mer), mais la distance est limitée (quelques dizaines de kilomètres), soit des avions larguent des charges explosives depuis leurs soutes (mais il faut se rendre sur les lieux de conflit). Le vrai « progrès » va venir des allemands, presque à la fin de la Deuxième Guerre mondiale avec l’avènement des fusées V, premier missile de croisière de l’Histoire. Autrement dit, une bombe autonome ayant une portée de l’ordre de 200 km que les allemands vont essentiellement envoyer sur la Grande-Bretagne depuis des rampes de lancement. Très rapidement suivront les missiles V2, qui, cette fois décollent verticalement avec une portée de 380 km à 100 km d’altitude et annoncent clairement l’ère des fusées.
Pour preuve ? Wernher von Braun, ingénieur allemand qui mettra au point les missiles V2 pour le compte du IIIème Reich va se retrouver à la tête du programme spatial américain en 1958, à la naissance de la NASA. Beau recyclage non ? Fin de la guerre. Les États-Unis et l’URSS se partagent le monde, la Guerre froide peut débuter !
La course à l’espace : Et c’est parti pour les recherches et essais dans le plus grand secret de part et d’autre du rideau de fer. Ce qui n’était que la mise au point d’une arme pour le compte des militaires se transforme en course technologique à l’espace opposant les deux plus grandes puissances mondiales de l’époque : les États-Unis et l’URSS. Il faut mettre au point des fusées capables de transporter les bombes nucléaires d’un continent à l’autre : les missiles balistiques intercontinentaux. Une partie des recherches porte sur les actions militaires (comme les lanceurs TITAN américains), alors que chez les soviétiques on imagine déjà utiliser les lanceurs pour la conquête spatiale (lanceur Semiorka R-7 qui va assurer la mise sur orbite du premier satellite).
Et cette avance technologique, les russes vont la garder jusqu’au premier homme sur la lune. Avec l’avènement de la course à l’espace, la surenchère nucléaire et les enjeux de la Guerre froide va s’amplifier un nouveau style de propagande essentiellement américain : le cinéma de science-fiction.
La planète rouge ! Dans les années 1950, en plein Guerre froide, les États-Unis ont sorti une quantité hallucinante de « nanars » de cinéma (tous aussi mauvais les uns que les autres ou presque !) qui montraient des « envahisseurs » venus de Mars. Mars est appelée couramment la planète rouge, la filiation était facile à faire avec le rouge du communisme, et ainsi, ce qu’on pense être de vulgaires séries Z de Science Fiction, se transforment en véritable outil de propagande anti-communiste : il faut sauver la terre des petits hommes verts venant de la planète rouge ! Le message se double également de la peur de la guerre et des envahisseurs venus d’ailleurs… Et, entre parenthèses, demandez-vous aussi, quand vous regardez un film qui parait « anodin », quels symboles ou discours peuvent être véhiculées…
Et Spoutnik arriva ! En octobre 1957, les soviétiques réalisent le premier exploit spatial en plaçant sur orbite à 900 km de la terre, le premier satellite artificiel : Spoutnik, qui signifie « compagnon de voyage ». Si vous suivez un peu l’actualité, le vaccin russe proposé au monde pour lutter contre le coronavirus s’appelle… « Spoutnik V ». L’interprétation du V (n’étant pas 5 en chiffre romain) faisant référence, d’après les mauvaises langues, à Vladimir Poutine ! C’était une sphère de 58 cm et 86 kg dont le seul but était de faire « bip bip ». C’est une sérieuse claque à l’Amérique qui montre la suprématie technologique soviétique. Nous y reviendrons en conclusion, mais afficher sa suprématie scientifique ou technique (et pas seulement militaire ou commerciale) est aussi une arme majeur des enjeux géopolitiques sur l’arène mondiale. C’est le premier vrai démarrage de la conquête spatiale.
Espace et Guerre froide : Voici une très belle représentation de la chronologie simplifiée de la conquête spatiale pendant la Guerre froide. En rouge les soviétiques, en bleu les américains. Apparait clairement ce jeu de ping-pong sur la conquête, avec, timidement, à partir des années 1970, l’arrivée de l’Europe. Nous allons revenir sur certaines étapes essentielles, notamment après la fin de la Guerre froide, mais d’abord quelques repères plus généraux sur : de quoi on parle ?
Quelques définitions : Peut-être n’est-il pas inutile de vous donner quelques définitions pas forcément évidentes. À commencer par « qu’est ce que l’espace ? »
Qu’est ce que l’espace aérien ? Dès 1784 un arrêté de police soumettait à autorisation les vols en ballon. En 1944, l’Organisation de l’Aviation Civile Internationale (OACI) est créée. Les États sont seuls propriétaires des « cieux » au dessus de leur territoire jusqu’à 12 milles (20 km) des côtes. C’est ce qu’on appelle « l’espace aérien ». Nombre de conflits ont débuté (ou ont failli débuter) à cause d’une violation de l’espace aérien. En France, si un avion (de ligne ou privé) entre dans l’espace aérien sans annonce préalable et sans plan de vol il est immédiatement encadré par des avions de chasse. Il faut savoir aussi que le survol d’un espace aérien est taxé (y compris les survols « nationaux »).
Mais la question est alors : qu’est-ce que l’espace ? Très concrètement, c’est « lorsque l’atmosphère seule ne suffit plus à soutenir un vaisseau en vol à une vitesse suborbitale ». En d’autres terme c’est quand on passe d’un avion (dont les ailles s’appuient sur l’air) à un satellite qui se déplace en orbite. A priori, plus ou moins au-delà de 100 km d’altitude, nous sommes dans l’espace. Les avions de ligne à réaction, en général, volent entre 9 et 13 km d’altitude, les avions à hélices un peu plus bas (5 à 7 km). La plupart des satellites à « orbite basse » (non géostationnaire à 36 000 km) volent entre 200 et 800 km d’altitude. Il s’agit donc bien de 2 espaces totalement différents et qui ont très peu de « chance de se croiser » ! Si on reprend les définitions des différentes couches physiques de l’atmosphère (en fonction de leur composition), les avions circulent dans la troposphère alors que les satellites sont dans l’exosphère, hors atmosphère. À noter qu’avec l’arrivée des drones, de nouvelles « couches » d’espace aérien sont apparues.
Continuons sur les ordres de grandeur, pour avoir les idées claires ! La distance entre Paris et Tokyo est d’un peu moins de 10 000 km (par avion). Pour aller sur la Lune il faut multiplier cette distance par près de 40 puisque la distance est de 384 400 km. Pour atteindre Mars cette fois, c’est 140 fois la distance Terre / Lune avec près de 55 millions de km, quand Mars est au plus proche de la Terre ! En résumé : c’est loin !
Le soleil est à 150 millions de km de la Terre et la limite du système solaire (du côté de Pluton) est vers… 19 milliards de kilomètres. À cette distance la lumière va mettre environ 17 heures pour nous parvenir. C’est très loin !
La première étoile, Proxima du Centaure, est à 4,2 années lumières, c’est-à-dire que la distance correspond au temps qu’aura mis la lumière pour nous parvenir, plus de 4 ans, à 300 000 km à la seconde. (la lumière met environ 1 seconde pour nous parvenir de la lune, elle met 4 ans depuis Proxima). Et tant qu’on y est, la galaxie la plus proche de la notre (la Voie Lactée) est à … 2,4 millions d’années lumières. C’est très très très loin et vous l’aurez compris, c’est pas demain la veille qu’on ira voyager dans les étoiles !!!! Avec les technologies actuelles, on va être rapidement confronté à un problème temps/vitesse. On sait envoyer un vaisseau sur Mars en près de 250 jours minimum, mais avec des « humains » entre aller, rester sur place un minimum, et retour, c’est au moins 910 jours. Plus de 2 ans et demi. Techniquement, aujourd’hui, on ne sait pas faire ! Certains parlent de 2030… très peu probable, mais on peut rêver…
Les lois dans l’espace : Nous l’avons vu, au-delà de l’espace aérien (les 100 km au dessus d’un pays), il n’y a plus de frontières, plus de propriétés, plus d’appartenance. Le drapeau américain planté sur la Lune ne signifie pas que la Lune appartient aux américains ! Et pourtant il y a une forme de législation internationale pilotée par l’ONU (à partir de traités des années 1960) qui est plus un ensemble de principes éthiques que véritablement de lois. L’idée est de dire aux Nations : vous pouvez faire ce que voulez dans l’espace, y compris sur les autres planètes, à condition que ce soit de manière pacifique, publique, et ouverte aux autres. Les « objets » que vous utilisez sont à vous, mais l’espace reste commun. Bien évidemment, tout ça est tellement flou qu’il permet tous les excès : vous pouvez faire passer un satellite espion au dessus d’un pays tiers par exemple. Concrètement, l’espace, c’est le Far West !!!
Ce qui est « amusant » c’est que comme il se livre probablement déjà une bataille entre satellites espions qui sont sensés ne pas exister, quand ça « frictionne » personne n’en parle… Pour l’instant on reste encore au stade « exploratoire », mais la Chine a déjà annoncé son ambition d’exploiter les ressources lunaires potentielles et rien n’est prévu sur le plan législatif à ce stade de la conquête spatiale.
Et c’est parti pour le show ! 1957 : Spoutnik fait bip bip et tout le monde se précipite dans les étoiles ! En voici les principales étapes jusqu’à aujourd’hui.
Les premiers ! La course technologique entre russes et américains est commencée. Les russes prennent une sacre longueur d’avance au début : Premier être vivant dans l’espace (la chienne Laïka, en novembre 1957), premier homme dans l’espace (Youri Gagarine en avril 1961). Mais les États-Unis se « réveillent » et en mai 1961 (mais un mois trop tard !), Alan Shepard est le premier astronaute américain dans l’espace. À noter qu’il ira aussi marcher sur la Lune 10 ans plus tard ! En 1966, la sonde Luna 9, soviétique est le premier objet à se poser en douceur sur la Lune.
Quelques années avant, en 1961, le président américain Kennedy annonce au monde entier qu’un américain marchera sur la Lune avant la fin de la décennie. Ce qui, pour l’époque est un pari technique et scientifique quasiment impossible. C’est le lancement du programme Apollo. Pourquoi cette précipitation ? Parce que les américains viennent d’échouer à envahir Cuba pour faire tomber le régime castriste pro soviétique (épisode de la « Baie des Cochons ») et qu’ils cherchent par tous les moyens à rétablir leur hégémonie sur l’échiquier mondial et prouver aux russes qu’ils restent les maîtres du monde.
Décrocher la Lune : Les missions Apollo se succèdent, jusqu’à Apollo 11 qui, le 20 juillet 1969 permet à Neil Amstrong d’être le premier homme à marcher sur la Lune. Les russes, cette fois sont à la traine, et le programme Soyouz va se contenter de survols de la Lune. Ils ont perdu cette course là, et ne la rattraperont jamais. Ils abandonnent les projets lunaires pour se consacrer aux stations spatiales. Au total, seulement 12 hommes auront marché sur la Lune au cours de 6 missions américaines dont la dernière, Apollo 17, en décembre 1972, n’intéressera plus grand monde. La Lune ne fait plus rêver ! Les américains prévoient à nouveau un vol lunaire en 2024…
Jamais aucun russe n’aura été sur la Lune, jamais aucune femme. Au passage, quelques précisions de terminologie : Les américains disent « astronautes », les russes « cosmonautes », les européens « spationautes », et, plus récemment, les chinois « taïkonautes » (taikong=cosmos en chinois), et, plus exotique, les indiens « gaganautes » (gagan=ciel en hindi). L’exploit technologique, scientifique et géopolitique va donner naissance, parallèlement, à l’avènement des satellites de communication…
La navette spatiale américaine : Dans les années 1980, les américains ont développé le programme de navette spatiale. C’était le progrès majeur depuis la conquête de la Lune. L’idée était de pouvoir allier un système de fusée pour aller travailler dans l’espace et de rentrer avec. C’est un vrai changement de philosophie par rapport aux précédentes évolutions techniques dans la conquête de l’espace : la récupération des engins et le développement d’un véritable véhicule de mise en orbite ou de récupération d’engins orbitaux. De plus, c’était un magnifique engin, à mi chemin entre la fusée et l’avion, très « science-fiction ». En terme géopolitique, c’était encore un énorme pied-de-nez au concurrent russe, même si la Guerre froide était terminée.
Hélas le 28 janvier 1986 la navette Challenger explose quelques secondes après son décollage. Les 7 membres d’équipage sont tués et pourtant, le programme va perdurer jusqu’en 2011 et sera abandonné notamment en raison des coupes budgétaires drastiques à la NASA. Le programme navette a véritablement ouvert l’êre de commerce spatial.
Les stations spatiales : Un autre aspect de la conquête de l’espace et qui annonce les orientations futures de la géopolitique spatiale : les « stations spatiales ». Ici se développe la coopération internationale et les alliances qui se font ou se défont en fonction des programmes de recherche. Une station spatiale est en effet un « satellite » sur orbite mais occupé par des équipages humains pratiquement en permanence. Cette fois ce sont les russes, les premiers qui ont eu une politique de développement des stations spatiales avec Saliout et surtout Mir de 1986 à 2000 où 28 équipages se sont succédés. Les russes ont eux-mêmes détruit Mir en 2001.
Depuis, c’est l’ISS, la station spatiale internationale qui a pris le relais d’une permanence de la race humaine dans l’espace et c’est véritablement le premier vrai programme de coopération internationale avec un projet initial où ont investi les américains, les européens, les russes, les canadiens et les japonais. C’est une formidable aventure humaine dont un des plus grands témoins actuels est bien sûr le français Thomas Pesquet.
Les nouveaux venus : Désormais, la conquête spatiale n’est plus un combat entre seuls russes et américains. Depuis une trentaine d’années, les européens et les japonais affirment leur présence. Dès les années 1970, le lanceur européen, mais surtout français, Ariane s’aligne sur la course aux fusées. À ce jour 5 générations de fusées se sont succédées, mettant en orbite plus de 120 satellites jusqu’en 2018, mais il semble qu’Ariane 6 tarde à démarrer. De grands pays développés ou en voie rapide de développement se positionnent sur la scène internationale : la Chine (CNSA), l’Inde (ISRO), l’Iran (ISA), Israël (ISA). Si de très nombreux pays ont leurs propres satellites de télécommunications ou d’observation, peu s’attaquent à la technologie des lanceurs de plus en plus confiés à des sociétés privées et encore moins envisagent l’exploration du système solaire et de Mars. À l’enthousiasme de la découverte des premiers années a succédé, exactement comme pour les premières explorations des navigateurs au XVIe siècle, la réalité économique et la nécessaire exploitation commerciale. Hélas ! Du coup, c’est l’arrivée d’entreprises privées…
Il faut surveiller de près des entreprises comme SpaceX dont vous avez surement entendu parler, ne serait-ce que par le vol inaugural de sa fusée où le fondateur milliardaire, Elon Musk, a satellisé une voiture Tesla ! On a coutume de le comparer à Tony Stark, alias Iron Man !
Analyse de texte : Site : https://fr.businessam.be/seulement-deux-lancements-en-2021-comment-le-programme-spatial-indien-doit-relever-la-barre-cette-annee/
Lire le texte de Matthias Bertrand - Publié le mercredi 5 janvier 2022 à 13:51 Répondre aux questions :
- Quelle est la source du document ?
- Sur quoi se positionnent les indiens dans la conquête spatiale ?
- Par rapport à qui ?
- Quels problèmes rencontrent-ils ?
- Quelles visées géopolitiques du programme spatial indien ?
Objectif Mars ? Nous avons donc d’un côté un « marché » qui se développe sur la proche banlieue terrestre, et de l’autre ce qui semble bien être un nouvel enjeu de la conquête spatiale : Mars. La course à l’hégémonie et l’enjeu de suprématie technologique n’est plus la Lune, mais bien la planète rouge. Les présidents Bush père et fils, et il n’y a pas longtemps, Donald Trump avaient multiplié les annonces de relance de la course à Mars, mais plutôt pour soigner leurs campagnes de communication, à la manière d’un Kennedy en 1961. Dans les faits, peu d’investissements lourds ont été réalisés et même des présidents comme Barack Obama avaient purement et simplement abandonné les programmes martiens. Tout est désormais une question de « budget ».
Techniquement, certains parlent de l’homme sur Mars en 2030, c’est malheureusement fort peu probable. Il y a un gouffre énorme entre retourner sur la Lune pour quelques jours et envoyer une mission humaine de plus de 2 ans sur Mars. Et nombreux, dans les milieux scientifiques, sont ceux qui pensent qu’avec les progrès de l’intelligence artificielle et des engins autonomes, il est totalement inutile d’explorer Mars avec des humains ! Il s’agit donc bien désormais d’affirmer sa puissance technologique vers la planète rouge. Un enjeu assez extraordinaire se joue aussi actuellement sur Mars : la recherche de traces de vie potentielle… Mais, s’il faut conserver cette part de rêve de la conquête des étoiles, peut-être serait-il plus utile de mettre les avancées technologiques au service de la sauvegarde de la planète Terre ?
Même là on a réussi à polluer ! Regardez cette animation qui simule le nombre de débris spatiaux qui entourent la terre depuis Spoutnik en 1957. L’homme a véritablement le génie de transformer en poubelle tout ce qu’il touche ! Le nombre de débris entre 1 et 10 cm estimé en orbite à l’heure actuelle est de plus de 500 000, de plus de 1 mm (particule de peinture par exemple) : 135 millions ! Or les orbites ne sont pas si larges que ça et un choc avec un débris, même de l’ordre du millimètre lancé à plus de 28 000 km/heure peut-être dévastateur ! C’est désormais une des grandes angoisses des missions spatiales : éviter les poubelles !!! Elle est pas belle l’humanité ??? Plus sérieusement, de plus en plus de programmes de création de satellites chargés de récupérer ces débris sont à l’étude, il y va de la sécurité des vols spatiaux.
Un enjeu militaire : Allez, revenons à l’objectif initial de ce cours : aborder le contexte hautement géopolitique de la conquête spatiale. Nous l’avons vu, c’est avec la Guerre froide qu’a véritablement démarré la conquête de l’espace. Il est clair que l’objectif initial des deux grandes nations ennemies, la Russie (alors encore URSS) et les États-Unis était de s’affronter sur les prouesses technologiques. On ne parlait pas encore de guerre des étoiles, mais la guerre n’est pas forcément une confrontation de militaires ! Mais la maîtrise de l’espace revêt pourtant bien un enjeu militaire énorme.
Satellites militaires. Si Spoutnik a été lancé par les russes en 1957, ce sont bien les américains qui lancent le premier satellite militaire en 1959 (Corona), satellite de reconnaissance pour surveiller et photographier les sites potentiels d’ogives nucléaires soviétiques. Ce qui parait assez incroyable aujourd’hui, c’est que le satellite prenait des photos argentiques, sur pellicule, qu’il « larguait », qui retombait sur terre avec un parachute et qu’un avion devait intercepter en vol… Désormais, les satellites dits « militaires » sont plusieurs centaines au dessus de nos têtes. Il est pratiquement impossible d’en connaitre le nombre exact, ces informations restants généralement très secrètes. On distingue les satellites d’observation et d’écoute (en gros les satellites espions mais aussi d’alerte en cas de lancement de missiles), les satellites de communication purement militaires et les satellites anti-satellites. Ce sont les seuls a priori dotés d’armes mais ce qui se développe actuellement semble être plutôt une gamme de missiles anti-satellites (l’Inde en a fait la démonstration en mars 2019).
Il faut noter que les satellites militaires sont généralement en orbites basses (100/300 km), qu’ils sont soumis à des frottements sur la haute atmosphère et que leur espérance de vie est très réduite. La plupart des grandes puissances se diversifient plutôt désormais, en matière d’espionnage, vers les drones, beaucoup moins coûteux…
Sans communication, pas de guerre ! En fait, l’autre enjeu énorme de la guerre des étoiles, c’est la guerre des télécommunications. À l’heure actuelle, la grande majorité des satellites, y compris militaires, sont des relais de communication et de positionnement. C’est le nerf de la guerre potentielle : pouvoir communiquer et pouvoir se positionner dans l’espace. L’Europe cherche actuellement à se défaire de l’emprise du système GPS américain avec son propre système de positionnement : Galileo. Si l’armée américaine le décide, demain, vous n’avez plus aucun système de positionnement sur votre téléphone ou dans votre voiture. Vous imaginez le problème pour une armée ? De même, couper les communications, c’est couper toute possibilité de contact entre des troupes et un état major. Une évolution actuelle consiste à créer des satellites de plus en plus petits, mais de plus en plus nombreux pour pouvoir passer d’une source à l’autre en cas de problème.
De Reagan à Trump : C’est une « annonce » régulière des présidents : l’engagement dans la guerre des étoiles ! En 1983, le président américain Ronald Reagan annonce la mise en place de « l’initiative de défense stratégique », un programme de défense des USA contre les missiles nucléaires intercontinentaux russes en déployant une batterie de missiles armés de lasers dans l’espace. Ici encore, de belles paroles de cow-boy (toujours dans la lignée du discours de Kennedy en 1961) mais pratiquement impossible à faire. Un effet de manche pour bomber le torse face à l’ennemi soviétique. L’idée sera reprise du bout des lèvres par les présidents conservateurs (Bush pères et fils) et bien sûr par Donald Trump, jamais avare d’une ânerie à dire. Trump lui, a carrément parlé d’une « armée de l’espace », alors qu’on sait désormais que l’hégémonie d’un pays ne se mesure pas au nombre de flingues qu’il a en réserve, et que la guerre peut être livrée par un simple attentat terroriste au coin d’une rue. Désormais pour les américains le grand ennemi n’est plus soviétique, mais coréen ou iranien…
Au cœur de l’actualité : Si on a beaucoup parlé de Mars et des sondes des différentes puissances ces derniers temps, c’est parce que c’était la période idéale pour lancer des vaisseaux vers la planète rouge, mais, a priori, la course à l’espace redevient « à la mode ». Ainsi, le 12 mars dernier, le président Macron était au CNES à Toulouse pour faire mumuse dans un exercice de simulation d’attaque satellite baptisé AsterX (ouaaaahhhh ! trop fort !!!!) où un satellite « ennemi » tentait d’intercepter des satellites militaires français. Il s’agissait d’une simulation bien sûr, mais déjà, des satellites, notamment russes, passent régulièrement près et même très près des satellites civils et militaires occidentaux. En 2019, le « Commandement de l’espace » est créé au sein de l’état-major de l’Armée de l’air et comprend 220 personnels militaires dont le but est de « disposer d’une défense spatiale renforcée », et de « disposer d'une autonomie stratégique spatiale ». La guerre des étoiles a donc bien commencé !
Au cœur de l’actualité : L’espace est désormais partie intégrante des conflits géopolitiques en cours. Nouvelle preuve s’il en était besoin : au sein de la station spatiale internationale, à cause du conflit en Ukraine et des sanctions imposées à la Russie, il n’y a plus de coopération possible dans l’immédiat entre les scientifiques russes et allemands. Et fait révélateur de la communication actuelle, tout ça s’est fait par tweet !!!!
Analyse de texte : Allez sur le site : https://fr.businessam.be/les-tensions-terrestres-setendent-a-lespace-au-sein-de-liss-les-scientifiques-russes-travailleront-desormais-seuls/
Lisez le texte - Répondez aux questions :
- Qui annonce des sanctions et pourquoi ?
- Quelles peuvent être les conséquences ?
Un enjeu commercial : En géopolitique, vous l’aurez compris, les conflits de territoires ne se limitent pas à des conflits armés, l’hégémonie d’un État se fabrique aussi en terme de puissance commerciale, et l’espace, même de manière naissante, n’échappe pas à cette règle, au moins dans 3 domaines : la communication, les transports, l’exploitation des ressources. Quand on aura fini d’épuiser la Terre, on ira épuiser la Lune, les astéroïdes et tout ce qui nous tombera sous la main dans la proche galaxie !!!
Télécommunication et flux d’information : Cette guerre est déclarée depuis longtemps. Le premier satellite de télécommunication a été lancé en juillet 1962 et s’appelait TELSTAR1. Américain, bien sûr, il inaugurait l’incroyable bousculade des satellites servant à relier l’information : téléphonie, télévision, radio, Internet et géolocalisation. Au 31 décembre 2020 on compte 2787 satellites opérationnels qui tournent au dessus de nos têtes. Un tiers sont des satellites de télécommunication, un autre tiers d’Observation de la terre (depuis le milieu des années 70). Tout le monde veut ses propres satellites de télécommunication, l’Angola par exemple vient de lancer son premier satellite en 2017. Mais tout le monde ne joue pas dans la cour des USA : 887 satellites à eux-seuls, avec, loin derrière, la Chine (296), la Russie (150) et très très loin l’Europe (49). Sans nul doute, c’est l’avenir des communications et les places sont chères, mais très rentables sur les orbites terrestres !
De l’importance stratégique et commerciale des télécommunications satellite ! La preuve du poids actuel de la conquête spatiale dans la géopolitique mondiale : Elon Musk, le patron de SpaceX, via sa filiale Starlink spécialisée dans l’Internet par satellite, vient de proposer au dirigeant ukrainien l’utilisation gratuite de ses satellites de télécommunication (1700 aujourd’hui !) pour connecter à Internet les villes bombardées par les russes Par la même occasion, le président ukrainien, Zelensky a annoncé « vouloir discuter de possibles projets spatiaux avec la société américaine »… après la guerre avec la Russie.
Transport et « tourisme spatial » : À moyen terme l’un des avenirs du transport aérien long courrier est le transport suborbital. Ce qui était une certitude avant le covid (doublement du trafic mondial du transport aérien tous les 15 ans) est aujourd’hui une hypothèse : dans le futur les avions (appelés avion-spatial) qui feront de longues distances passeront par la stratosphère pour un gain de temps considérable. On serait sur moins de 2 heures pour relier Paris à Tokyo par exemple pour un avion qui passera d’une dizaine de kilomètres d’altitude à l’heure actuelle à une centaine. À cette altitude la courbure de la Terre est nettement visible et le ciel devient noir. C’est sans nul doute une expérience qui doit être extraordinaire et qui annonce également une sorte de « tourisme spatial ». Ce n’est pas de la Science Fiction : la société Virgin Galactic (oui, c’est Virgin de Richard Branson !) développe actuellement des prototypes d’avions pour le vol spatial touristique. Pour la modique somme de 250 000 dollars vous pouvez déjà aller passer quelques minutes en apesanteur dans l’espace (pour 3 heures de vol). Jeff Bezos, l’excentrique patron d’Amazon, développe de son côté Blue Origin, un projet de transport spatial touristique. Jusqu’à présent on compte 8 touristes de l’espace ayant payé le prix fort pour s’envoyer en l’air dans l’espace.
La crise du covid a mis un énorme coup de frein au développement du tourisme et du transport aérien. Certains prédisent que le développement de l’aérien tel qu’on le connaissait avant la crise sanitaire ne se fera plus parce que trop polluant. Je ne parierai pas là-dessus…
Les micro lanceurs : Autre « marché spatial » en plein développement, celui des micro lanceurs. Plus d’une centaine d’entreprises sont déjà sur le marché, en Chine, Inde, USA, Allemagne Roumanie, Corée, Philippines… 5 rien qu’en France. Les satellites sont de plus en plus petits (parfois 10 cm de côté), le marché des lanceurs de plus en plus accessibles pour des investisseurs pas forcément énormes et on s’apprête à lancer 500 microsatellites par an dans les 10 prochaines années ! On voit donc se développer, ou renaitre, des projets déjà opérationnels comme les mini fusées Rocket (10/12m de haut contre 50m pour la fusée Ariane !) à l’état de test comme les drones ou les ballons lanceurs ou de prototypes comme la fronde spatiale ou les canons électromagnétiques… Probable stabilisation du marché d’ici une dizaine d’années avec peu de grands gagnants, comme dans la course à la microinformatique dans les années 1980.
Ressources extraterrestres : Aussi fou que ça puisse aujourd’hui paraitre, certaines nations envisagent sérieusement l’exploitation des ressources extraterrestres, à commencer par les ambitions actuelles de la Chine par rapport à la Lune. En décembre 2020, la Chine a réussi à ramener sur Terre des échantillons, exploit qui remontait à 40 ans. Alors que les russes n’avaient ramené que 170 gr, les chinois ont rapatrié 2 kilos ! L’objectif de la Chine est d’implanter des missions habitées sur la Lune à l’horizon 2030 (demain donc !) pour étudier le potentiel d’extraction des ressources. Parallèlement, en 2015, les États-Unis ont voté l’autorisation de l’exploitation des ressources spatiales par des sociétés privées (Obama Space Act).
Sur la Lune, on trouve en abondance de l’hélium3, un carburant idéal pour l’énergie nucléaire ; de grandes quantités d’eau se trouvent également sous forme de glace sur la Lune ; enfin, la face cachée de la Lune est une zone idéale pour l’observation spatiale et le départ vers d’autres explorations. Il est fortement envisagé d’aller exploiter les gisements sur les astéroïdes, notamment les masses phénoménales de fer, de métaux rares. Si, pour l’instant, les technologies sont encore balbutiantes et les coûts d’exploitation inimaginables, il suffirait d’une raréfaction suffisante sur Terre pour que l’exploitation des ressources extraterrestres devienne une réalité. À l’horizon d’une vingtaine ou d’une trentaine d’années désormais… Il n’est pas plus inimaginable d’exploiter les ressources d’une autre planète aujourd’hui qu’il ne l’était de traverser le Pacifique au début du XVIe siècle !
Futur de l’Humanité ? En résumé, le commerce des satellites, on y est. Le commerce des vols spatiaux une petite vingtaine d’années. L’exploitation des autres planètes et astéroïdes, une cinquantaine… Et si l’on se place maintenant dans un horizon beaucoup plus lointain ? Plusieurs centaines d’années ? Peut-on imaginer que l’humain rebâtisse d’autres civilisations dans d’autres mondes ? On sait désormais que la race humaine va plafonner vers 9 ou 10 milliards d’individus avant de connaitre une décroissance à partir des années 2060. Le problème est le rapport entre ressources disponibles sur Terre et possibilité de survie de l’humanité. Soit l’humain réduit considérablement son expansion actuelle et trouve un juste équilibre entre ressources et consommation, soit il lui faut aller chercher ailleurs de quoi « redémarrer ». On sait que les proches planètes ne sont pas viables en l’état, donc trois solutions :
- soit « terra former » une planète (comme Mars par exemple) pour la rendre viable à l’espèce humaine actuelle ;
- soit trouver des moyens de déplacement dans l’espace permettant d’aller beaucoup plus rapidement vers des mondes « viables » ;
- soit enfin aller vers le transhumanisme : c’est-à-dire non pas transformer le milieu pour l’adapter à l’homme, mais transformer l’homme (biologiquement, techniquement, génétiquement) pour qu’il s’adapte au milieu.
La science au service de la géopolitique : Des ingénieurs allemands de la Seconde Guerre mondiale qui ont été mis au service de la conquête spatiale au vaccin Spoutnik V russe pour lutter contre le covid, vous apercevez ici un aspect de la géopolitique internationale très intéressant. Les conflits sur des territoires, qu’ils soient sur Terre ou dans l’Espace s’appuient très souvent sur le savoir et la recherche scientifique. Au-delà des frontières, les nations se livrent de véritables guerres impitoyables, même si elles ne tuent personne, autour de combats entre laboratoires, universités, chercheurs, entreprises publiques et privées qui vont permettent d’asseoir sa suprématie sur d’autres nations. Il ne s’agit plus de pointer son missile vers les frontières d’un ennemi, mais d’aller plus vite que lui pour occuper un espace et prouver sa suprématie en ayant une longueur d’avance. Ce qui se jouait entre portugais et espagnols au XVe et XVIe siècle dans les îles de l’Océan Indien se joue désormais sur la face cachée de la Lune, et vous allez avoir la chance d’en être les témoins !