Canalblog
Editer la page Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
...Chez Francky

Fake_maps

Diapositive1

Voici l'essentiel du contenu d'une conférence que j'ai réalisée le 09 octobre 2021, dans le cadre d'un café des sciences à la Médiathèque de Tournefeuille pour la Fête de la Science 2021. Merci au personnel de la médiathèque de m'avoir accueilli et au public de m'avoir écouté !

Diapositive2

Quelques mots sur moi : Je suis Franck VIDAL, ingénieur de recherche au CNRS et je travaille au laboratoire GEODE, Géographie de l’Environnement, un labo mixte du CNRS et de l’université de Toulouse Jean Jaurès. Je suis géographe de formation et depuis quelques années je me suis spécialisé dans la médiation scientifique, notamment en cartographie et histoire de la cartographie en réalisant de nombreuses expositions, des jeux, des films, des évènements comme la première nuit de la géographie au Quai des Savoirs en 2017. Je fais aussi pas mal d’enseignements dans différents masters à l’UT2J. Allez, assez parlé de moi, parlons maintenant du monde, ou tout au moins de ses représentations…

Diapositive3

Bon, vous vous doutez bien de la réponse à cette étrange question : « les cartes peuvent-elles nous mentir ? » Bien évidemment, c’est oui, consciemment, par inadvertance, par omission, par difficulté technique, et pour plein d’autres raisons, plus ou moins justifiées, plus ou moins « géopolitiques » et que nous allons essayer de lister ensemble à travers des exemples. Je n’avais pas très envie de dérouler une logique magistrale, mais plutôt de vous montrer des exemples d’il y a 1000 ans ou de la semaine dernière. Donc, la falsification cartographique n’est pas récente et si l’on parle de fake news aujourd’hui, les mensonges sur la représentation de la Terre ne datent pas d’hier… Allez, quelques exemples donc, en commençant par quelques notions de géodésie…

Diapositive4

La première raison, technique, pour laquelle nos représentations cartographiques sont fausses c’est tout simplement pour une question de géométrie et de mathématique : comment transformer au mieux un objet plus ou moins sphérique en 3 dimensions (la Terre) en un objet plat en 2 dimensions (la carte) ? C’est ce qu’on appelle la géodésie : la mesure et la représentation de la surface terrestre. Les cartes (pas les globes, mais bien les cartes) sont des anamorphoses s’appuyant sur certains calculs de projections de points suivant des angles (longitudes, latitudes) définis en degrés, minutes, secondes. Et cette transformation, ces calculs sont liés à des choix.

Diapositive5

Nous sommes tous habitués à cette représentation du monde non ? On trouve ça « normal » ! C’est une représentation que vous trouvez partout, dans les posters que vous achetez, dans les livres, sur Internet…qui s’appuie sur une carte réalisée par Gérard Mercator en 1569, il y a presque 500 ans !!! Alors bien sûr les formes se sont affinées, les découvertes multipliées, les erreurs de représentation corrigées, mais la manière de passer de la sphère à la carte est restée la même. Mercator, a fait une carte en privilégiant la conservation des angles pour aider les navigateurs. Ce n’est pas une erreur, c’est un choix de calcul. Sauf que, en faisant cette carte il a créé des distorsions qui influèrent (et influent encore) fortement sur la perception du public. On va le voir très concrètement…

Diapositive6

La projection de Mercator va induire de très grandes déformations aux extrêmes. Si on fait une simulation sur une photo médaillon du président Macron, il se retrouve avec un cerveau de martien et des épaules de catcheur selon la projection de Mercator ! Dans l’imagerie populaire, ça ne gène pas grand monde que le Groenland soit énorme, alors qu’il est 14 fois plus petit que l’Afrique. De fait, le continent africain apparait relativement « humble » alors qu’il est immense !!!! En réalité, en surface, le Groenland est à peine plus grand que la France. En surface, l’Afrique c’est l’Europe, les États-Unis, l’Inde, la Chine et le Japon réunis !!!

De fait, on va naturellement penser que l’Afrique est un « petit continent », que le Groenland est immense, que l’Antarctique est une « bande » de terre. La représentation que nous nous voyons de l’espace terrestre va inconsciemment irrigué nos façons de penser : Oh, c’est pas si grand l’Afrique, on en fait tout un plat !!!! Et pourtant si, c’est très grand l’Afrique ! Et c’est peut-être la plus belle arme géopolitique qu’a développée la vieille Europe au XVIe siècle : avoir su, consciemment ou inconsciemment, par la simple projection cartographique, imposer au monde l’idée qu’elle en était au cœur !

Diapositive7

Quand nous faisons des cours de cartographie, c’est souvent par là que nous commençons : la Terre est ronde (enfin à peu près !) et la représenter à plat est donc forcément… faux !  Si nous regardons ici la projection de Peters (1855), elle aussi fausse, puisque en deux dimensions, mais nous avons quand même une image de la taille des continents beaucoup plus proche de "la vérité surfacique". Il existe des dizaines, voir des centaines de mode de projection et de calcul du passage de la sphère à la représentation deux dimensions, et toutes, ou presque révèlent d’une intention. Par exemple, la projection de Fuller, en 1946 tendait à montrer que les continents ne formaient en réalité qu’un seul et unique archipel, une seule et unique humanité ! C’est une bien belle idée n’est-ce pas ? La carte peut aussi véhiculer de beaux messages…

Diapositive8

Désormais, a priori, il semblerait qu’un grand nombre d’institutions, notamment Google et la NASA  aient désormais adopté la projection Equal Earth, abandonnant Mercator. Cette projection respecte les surfaces tout en minimisant les déformations des continents… mais les déforme toujours ! Donc, la première carte fausse est tout simplement, la carte en elle-même !

Diapositive9

Toujours par rapport à la représentation générale du globe et aux critères de standardisation imposés par l’Occident : avez-vous remarqué que le centre de la représentation des mappemondes est toujours sur l’Europe, en l’occurrence, le méridien de Greenwich ? Ce choix s’est fait à 25 pays en 1884 à la conférence de Washington. 1884 c’est l’apogée de l’empire anglais ! La France ne l’adoptera qu’en 1911, lui préférant le méridien de Paris (au centre de l’Observatoire de Paris). Mais de très nombreux pays avaient adopté un méridien de référence et parfois même plusieurs au cours de leur histoire pour faire des calcul de position. Le choix de Greenwich est un choix « politique » : l’Europe est "centre du monde" et quand on parle d’Ouest et d’Est on s’en réfère systématiquement à ce choix : le « bloc de l’est »…

Diapositive10

Voici la mappemonde de McArthur (un architecte et militant environnemental australien), une représentation inversée de la Terre avec l’Australie au centre, réalisée en 1979. C’est un manifeste pour changer la vision du monde et montrer que l’Australie n’est pas forcément ce "petit continent aux antipodes du reste du monde". Cette représentation est devenue une vraie carte de visite de certains politiques australiens. Cette carte montre également le poids réel du Pacifique, cinq fois plus vaste que l’Atlantique et pourtant réduit aux marges sur la plupart des mappemondes et coupé pour gagner de la place !

Diapositive11

Mieux encore, voici une carte à laquelle il va falloir s’habituer : Une projection et une représentation qui placent la Chine au centre du monde et fait la part belle au passage du nord-ouest, réchauffement climatique oblige ! De même, rien n’empêche d’utiliser une projection « verticale », plus en adéquation par exemple avec les formes d’écriture… Ces visions du monde bousculent complètement les notions même d’échanges internationaux et de rapports géopolitiques. Il n’y a pas si longtemps, rappelez-vous la polémique à propos des sous-marins français non commandés par l’Australie… Un déplacement du "centre du monde" vers le Pacifique non ? Ici encore, pas de carte « vraie » ou « fausse », juste un mode de représentation !

Diapositive12

Dernier exemple pour vous montrer le simple poids d’une projection cartographique, le choix fait par l’ONU, de centrer sa vision sur le pole nord dans ce qu’on appelle une projection équidistante azimutale pour exprimer une sorte de « neutralité ». Ici encore, bon nombre de pays (à la périphérie de la représentation) s’horrifient de la place et de la forme qu’ils occupent. Il n’y a pas de bonne projection, toutes les cartes sont sujettes à débat !

Diapositive13

Là où la cartographie est aussi le reflet des puissances, c’est dans la façon dont les religions s’en sont emparée et pas seulement dans la nuit des temps…

Diapositive14

Si on fait un survol très rapide de l’histoire de la cartographie, hormis des représentations figuratives dès l’antiquité, la véritable naissance « scientifique »  de la représentation du monde intervient avec le grec Ptolémée vers 150 après J.C., mais entamé plus de 3 siècles avant, avec des astronomes et mathématiciens grecs (comme Ératosthène vers 250 av JC qui va calculer la taille de la Terre – 39 375 km avec moins de 1,5% d’erreur quand même !!). Puis les travaux des grecs tombent dans l’oubli et on retrouve des représentations de la Terre tout le long du Moyen Âge, non plus dans une idée de représentation scientifique mais bien de dogme religieux, de cosmogonie. Il ne fait alors aucun doute que le monde est calqué sur les préceptes bibliques.  Ainsi nait la carte en T ou en TO ou encore du "T dans l’O". Ici Isidore de Séville en 629, se referme sur des simplifications, des symboles. La sainte trinité se retrouve jusque dans les cartes : trois continents (on ne connait pas encore l'Amérique !) séparés par la Méditerranée et le Nil et entourés d’une mer formant un T dans un O. Le centre du monde est Jérusalem et l’Asie (lieu d’échouage de l’arche de Noé – Mont Ararat en Arménie) est vers le haut, vers l’élévation divine.

Cette représentation tripartite du monde on va la retrouver recopiée, interprétée, complexifiée, enluminée pendant plus de huit siècles ! Jusqu’à ce que la « cartographie scientifique », pratique, soit redécouverte par les savants arabes qui avaient besoin d’un outil pour la navigation et le commerce. On passe alors d’une cartographie symbole à une cartographie pratique.

Diapositive15

Mais ça n’est pas pour autant que les lieux bibliques sont abandonnés dans les représentations cartographiques. Il ne faut pas oublier que le savoir, l’érudition, les techniques de transmission de la connaissance sont entre les mains des religieux quelle que soit la religion. Moines copistes, prêtres voyageurs, madrasas en Europe Centrale, astronomes juifs... Sciences et religions sont intimement liées. Donc, il y a forcément une part de religion et pendant longtemps,  dans les représentations terrestres. Ici, par exemple, Richard Blome (graveur et cartographe anglais – 1635-1705), pourtant non issu d’une congrégation religieuse, n’hésite pas à localiser et à représenter très finement le Paradis terrestre. Et c’est à prendre au sens premier : pour lui, le paradis est « réellement » quelque part du côté de l’actuel Irak ! Et la carte le prouve !

Diapositive16

On l’a vu, la projection est primordiale. Le centrage par rapport au méridien également, mais que dire de l’orientation au nord ? Si quelque chose qui ressemble à une boussole (qui bouge en fonction du magnétisme) apparait en Chine 4 siècles avant J.C., c’est au XIIe siècle qu’on commence à s’en servir et le nord est adopté universellement à partir du XVIe siècle, alors que Ptolémée avait défini le nord géographique 150 ans après JC. L’orientation est politique, dogmatique, religieuse : Le catholicisme oriente ses cartes en fonction de Jérusalem, ou du Mont Ararat et donc met en haut, l’Est. L’Islam met la péninsule arabique au centre, la Mecque vers le haut, le Sud. Et de tous ces changements qui nous font perdre le nord, nous aurons gardé un verbe fondamental : s’orienter, se tourner vers l’orient, vers l’est (oriens en latin)

Diapositive17

Abordons maintenant quelques aspects beaucoup plus perfides de la représentation cartographique : son aspect stratégique. N’oublions pas que notre actuel IGN, institut géographique national (qui fabrique les cartes) est issu du Service Géographique des Armées et est en créé en… juin 1940. N’oublions pas non plus que, dans bon nombre de pays totalitaires comme la Corée du Nord et même la Chine il est très difficile, sinon impossible, de se procurer des cartes détaillées. Qui a la carte, voit l’espace ! Allez, quelques exemples dans l’Histoire…

Diapositive18

Saviez-vous qu’au moment des grandes découvertes, à la Renaissance, une bonne carte pouvait valoir le prix d’une belle maison ? Que les riches armateurs achetaient à prix d’or des cartes marines décrivant la route des épices, confiées uniquement aux capitaines, que les vols étaient communs, que même des cartographes étaient payés pour faire de fausses cartes, vendues aux concurrents… Donc, la possession de carte était un enjeu stratégique énorme ! Si vous intéressez à ce sujet, je ne saurais trop vous conseiller cet excellent bouquin : l’entreprise des Indes d’Erik Orsenna qui décrit par le détail ce type d’aventures.

Diapositive19

Premier exemple une carte réalisée par le PCF en 1951. Ici, fond noir pour mettre en place un côté dramatique et une utilisation abusive de flèches quasi agressives et multiples donnant presque une impression de lancements de missiles ! Une telle représentation est clairement une prise de position anti-américaine ! On va faire appel à des coutumes, des cultures, des habitudes sociales qui vont atteindre ou non leur public. Par exemple, si vous utilisez du rouge vous allez automatiquement attirer l’œil du public, tout simplement parce que, physiologiquement, nous avons dans l’œil plus de cellules (les cônes) photosensibles à la longueur d’onde du rouge ! Mais parallèlement pourquoi sommes-nous en deuil en noir quand en Asie du sud-est ils le sont en blanc ?

Diapositive20

Une autre ruse que nous avons déjà un peu abordé avec la projection de Mercator consiste à jouer sur l’échelle, la taille des pays. Voici la Une d’un journal iranien du 20 septembre 2021 qui annonce un futur accord entre l’Iran, la Chine et la Russie. Le visuel montre les trois pays quasiment de la même taille, et même l’Iran un peu plus grand. Or l’Iran est plus de 10 fois plus petit que la Russie et 6 fois que la Chine. Pour montrer qu’on est un grand pays, il suffit de faire une grande carte !!!! Pas bête !

Diapositive21

Voici deux cartes de la Russie. L’une généraliste, disons, neutre, utilisée dans un grand nombre de sites anglo-saxons et réalisée par Peter Hermes Furian, un illustrateur cartographe pour le compte de la société Adobe. L’autre récupérée sur le site russe de wikipédia et réalisée par Roman Poulvas et intitulée « structure fédérale de la Fédération de Russie » Qu’est ce qui les distingue ? Mais la place de la Crimée bien sûr !!! Dans un cas, la Crimée est hors Russie, rattachée à l’Ukraine. Dans l’autre la Crimée est désormais une province de la Fédération. Or l’ONU n’a jamais reconnu l’annexion russe en 2014 et pour elle, la Crimée est toujours ukrainienne. Et la carte intégrant de fait la Crimée dans l’empire russe est en accès libre sur Wikipédia, mais le wikipedia… russe ! Montrer, distribuer et rendre accessible cette carte, c’est influencer.

Diapositive22

Jusque dans les dessins animés ! Alors là c’est très insidieux : dans le très joli dessin animé « Abominable » qui a été très largement co-financé par des producteurs chinois. Je ne sais pas si vous l’avez vu, mais c’est un très joli travail publicitaire pour visiter la Chine !!!! De manière très fugace dans la chambre de la jeune héroïne, apparait une carte qui a fait couler beaucoup d’encre : on y voit la délimitation des eaux territoriales chinoises, qui empiètent allègrement sur celles du Vietnam, des Philippines, de la Malaisie !!! Le Vietnam a refusé que le film soit affiché dans ses salles et cette simple délimitation de pointillés sur une carte pourrait très bien déclencher un nouveau conflit mondial…

Diapositive23

Remontons à présent dans le temps. Autre exemple du pouvoir d’une carte, la fameuse carte dite "de Liu Gang" qui a circulé longtemps et circule encore sur l’Internet et qui tendrait à prouver que la Chine aurait arpenté le monde et découvert notamment l’Amérique bien avant les européens, la date prétendue pour la carte étant de 1418. Bien sûr, c’est un faux, réalisé en 1763 par Mo Yi Tong pour le compte de la propagande chinoise… Hélas, avec la multiplication des moyens de communications et des techniques numériques les cartes, données, images, volontairement fausses, mensongères, tricheuses se multiplient. Faites très attention aux données et aux informations que vous recevez ! « Fake news », « Hoak », sont des termes à la mode et qui s’appliquent parfaitement bien aux données géographiques et cartographiques !!!

Diapositive24

Et voici un exemple du champion toutes catégories des fausses informations et donc des fausses cartes : Le demi cercle en noir à gauche de la trajectoire de l'ouragan a été rajouté à la carte officielle. Parce que Trump avait dit que l'ouragan menaçait l'Alabama. Faux. L'Alabama a eu peur et le reste du pays s'est moqué. Un coup de marqueur noir et le tour est joué.

Diapositive25

Suivant la source, l’opinion, la culture, l’engagement, la langue… les mêmes données ne seront pas cartographiées, calculées, interprétées et présentées de la même manière. Pour prendre un exemple, les israéliens ne vont pas présenter les cartes pourtant du même pays et des mêmes frontières que les palestiniens. L’objectivité est quelque chose qui n’existe pas, pas plus que la vérité ! Et en cartographie, c’est pire !

Diapositive26

Ici encore, contrairement à ce que vous pouvez peut-être penser : les images satellites, Google Earth compris, peuvent aussi être falsifiées… Restons dans l’idée qu’une image satellite, une carte est fausse, délibérément avec quelques exemples instructifs… Dans le golfe du Mexique, dans une partie qui borde l'état de Campeche, se trouvent plusieurs îles et récifs. Les images satellite de certaines, comme les trois îles de Cayos Arcas, offrent une image paradisiaque avec des plages de sable fin et une eau turquoise. Pour d'autres, comme les îles Triangulo et Obispo, il faudra se contenter de son imagination. Plutôt que de les flouter, l'image est tout simplement manquante, remplacée par une zone noire.

Diapositive27

Peut-être est-ce la peur de voir des évasions par hélicoptères qui expliquent pourquoi l'image satellite de la prison des Baumettes a été floutée ?

Diapositive28

Troisième exemple de ce qu’on veut bien nous faire voir, ou pas : la Maison Blanche à Washington. Il y a quelques années, les deux bâtiments qui bordent l’édifice présidentiel avaient leurs toits « floutés ». Désormais, il y a bien un « toit », mais ne correspondant pas tout à fait à la réalité… C’est particulièrement visible sur le bâtiment de droite…

Diapositive29

Allez, quelques autres exemples pour vous montrer qu’il existe de multiples raisons pour que les cartes soient fausses voire mensongères…

Diapositive30

Personne n’est à l’abri des erreurs, en particulier en cartographie. Un exemple assez amusant est celui de Sandy Island. En 1876 un navire baleinier rapporte avoir découvert une nouvelle île entre la Nouvelle-Calédonie et l’Australie. Sandy Island est aussitôt reportée sur les cartes, toutes les cartes… y compris Google Maps. En 2012, en campagne océanographique, le navire Southern Surveyor cherche, en vain, l’île de sable. Même pas de hauts fonds, de rochers, de bathymétrie anormale… rien ! L’île n’a jamais existé et pourtant pendant plus de 130 ans, tous les atlas du monde ont dessiné Sandy Island !!! C’est ce qu’on appelle des « îles de beurre » (François Garde) et nombreux sont les exemples de ce type dans l’histoire !!!

Diapositive31

Allez, juste pour le plaisir, quelques belles coquilles trouvées dans les journaux télévisés, grand pourvoyeurs de fausses cartes ! Et pas forcément uniquement chez Fox News… L'urgence de la publication, la multiplication d'opérateurs non compétents, et parfois même le j'mentoufisme journalistique peut faire sourire...

Diapositive32

Il était écrit sur certaines cartes médiévales  l’expression « HIC SVNT DRACONES » (ici se trouvent les dragons) ou carrément dessinés des dragons ou des serpents de mer pour désigner les territoires encore inconnus et forcément dangereux. Une autre expression, utilisée notamment par les cartographes romains était « hic sunt leones » : ici sont des lions. Mais l’expression apparaissant sur la partie asiatique de ce globe pourrait également être une référence aux fameux dragons de Komodo voire, récemment pour certains chercheurs une référence à une ethnie indonésienne aujourd’hui disparue. Ici, c’est sur le « globe de Lenox », globe en cuivre creux gravé de 1510 dont l’auteur est inconnu.

Autre exemple, la carte de la basse Californie est très longtemps restée une île : les différents explorateurs maritimes qui se succédaient le long de la côté intérieure ne pouvaient pas imaginer que ce bras pouvait faire partie du continent et donc, tout naturellement « refermèrent » le nord pour former un île. Cette carte de Joan Vinckeboons (cartographe néerlandais) de 1650 fut copiée et recopiée maintes fois.

Diapositive33

Depuis les grecs anciens (Aristote - Ptolémée) on « pense » qu’il existe un continent « sous » la terre pour la simple raison qu’on pense que le « poids » des continents connus au nord est forcément compensé par un continent au sud pour "éviter le basculement de la terre". Logique ! C’est la terra australis qu’on a d’ailleurs bien longtemps confondu avec l’Australie.  Donc, dès que des cartographes représentent le monde, ils dessinent l’Antarctique, même si le continent n’a été formellement découvert qu’en 1819 alors qu’il fait plus de 14 millions de km² !!!

Diapositive34

Sur le même principe, la très belle carte de Mercator de 1577 qui présente la région polaire : le raisonnement est simple : l’aiguille de la boussole est influencée par le métal, elle s’oriente partout dans le monde dans la même direction, donc la masse de métal est importante, donc il y a une montagne de métal au pôle nord ! (qui ne sera atteint qu’en 1926)

Diapositive35

Attention : 99% des documents cartographiques que vous voyez sont réalisés en toute sincérité, sans intention malveillante et avec des techniques de représentation honnête. L’objectif de cette présentation était bien de vous montrer quelques aspects insidieux de la cartographie auxquels vous n’auriez peut-être pas songé. Il est rare que l’on tombe sur des cartes intentionnellement falsifiés. Comment prévenir ces « fake maps » ?

On se pose la question du « quoi », mais rarement du « qui » ? En d’autres termes essayez de regarder d’où provient la source de la donnée. C’est essentiel aujourd’hui dans un monde inondé d’informations et de sources potentielles. De même, la question du quand est primordiale. Si une bonne définition de la Géographie est « où et pourquoi là », il est indispensable de prendre en compte le facteur temps, le moment…

Il est intéressant aussi de ne pas rester sur un seul média, une seule source. Quand vous cherchez une image sur Internet par exemple, regardez les différents « sites » qui la propose ou la relaie.

Enfin, soyez curieux, soyez critique, interrogez-vous. Avec cette étrange époque que nous vivons du fait de la pandémie, on se retrouve non plus dans des dialogues, des confrontations de points de vue, d’études, mais dans des dogmes et ça déchaine les passions, gentiment attisés par les grands médias… Mais je sors de mon propos…

Diapositive36

Avant de conclure, si vous voulez vous ouvrir encore plus l’esprit, comprendre le fonctionnement du monde et voir de belles cartes, je ne saurais trop vous recommander cette excellente émission hebdomadaire : le Dessous des Cartes sur Arte, créée par Jean-Christophe Victor en 1990 et reprise depuis 2017 par Émilie Aubry, le samedi vers 20h40. Vous la trouverez également sur Facebook et sur sa chaîne dédiée sur Youtube. En 12 minutes on comprend tout de problèmes parfois hypercomplexes !

Diapositive37

En conclusion, oui, les cartes peuvent mentir, comme toute représentation visuelle. Oui, leur compréhension est parfois complexe, obscure… La cartographie, comme l’écriture, est inhérente à l’histoire de l’humanité, c’est un formidable média, une science, un art, et surtout une formidable source de voyages réels ou imaginaires… Qui ne s’est pas arrêté devant une mappemonde sur un mur, rêvé sur des pays lointains, des noms compliqués, des rivages nouveaux...

Merci

 

...Chez Francky
...Chez Francky